Cali, la Marseillaise en rouge et noir
Pour peu qu’on lève un peu les yeux au ciel, l‘ombre tutélaire de Ferré qui chanta Marseille, et une très personnelle Marseillaise, flotte toujours sur la ville…
Du Festival Avec le Temps, jusqu’ à L’Espace Léo Ferré -Théâtre Toursky (1), Promenade Léo Ferré, qui chaque année respire Ferré.
En 2018 hors les murs, La mémoire et la Mer par Richard Martin lui même, et ici même ce Concert Cali chante Ferré.
C’est la voix de Ferré qui nous accueille, long texte (2) finissant par : « Les plus beaux chants sont des chants de revendications. Le vers doit faire l’amour dans la tête des populations. A l’école de la poésie on n’apprend pas, on se bat ! ». Quelle meilleure présentation pour annoncer Cali ? Plus tard celui-ci répondra en disant Les Poètes, slammé sur une musique dissonante : « Ce sont de drôl’s de typ’s qui vivent de leur plume / Ou qui ne vivent pas c’est selon la saison ».
Pas de chemise noire, ni la sienne ni celle de Ferré, mais un étrange costume à carreaux. Mais qu’importe. L’allure est sobre, le jeu intériorisé, « C’est extra ». Le concert s’ordonne comme l’album.
Pas de symphonie fantastique, le piano à queue ou le clavier du toulousain Augustin Charnet font l’ambiance, en douceur suspendue, ou en rythme lancinant, avec les lumières sobres au plafond ou sur pied, comme des ampoules jaunes désobsolètées… La rouge guitare de Mike Ponton prend parfois des gémissements à la Jimmy Hendrix.
Cali ne fait pas du Ferré. Pas de déclamation incantatoire et tragique, pas de prise à partie, pas de grimaces, pas de provocation. Moins de coffre aussi. Mais imprégné de Ferré depuis tout petit, un jour Richard sera son déclic. Il le chantera tellement vrai, face à Richard Martin, ému aux larmes: « Les gens, il conviendrait de ne les connaître que disponibles / A certaines heures pâles de la nuit (…) Richard, ça va ?».
Cali reste Cali, avec sa façon de mâcher les mots, de les vibrer de l’intérieur, sa sincérité, sa tendresse, sa mélancolie alternée à une énergie sans limites. C’est cette âme là qu’il a en commun avec Ferré, tant de souffrances, d’engagements et d’amour aussi. L’enfance, marquée par le deuil prématuré d’une mère, qui fait écho aux tourments de celle abusée de Ferré. Epaules convulsées, voix douce, à peine brisée : « l’innocence rapiécée ». La mélancolie, presque en larmes. Le rythme de Vingt ans.
Ce petit-fils de réfugiés espagnols (3) vit totalement Ils ont voté, et ce Ni Dieu ni maître, de rock pur explosif et enivrant. Ou Les Anarchistes, plainte douce sur de fines notes de piano, avec cette particulière tendresse pour ceux-là, « la plupart Espagnols allez savoir pourquoi ». Légitime pour parler des Etrangers, tout en refus, en indignation : « Quand la mer se ramène avec des étrangers / Homme ou chien c’est pareil on les r’garde naviguer ». De cet an dix mille en reflux sombre et inquiétant… Et sans pause Thank you Satan, où la vie, pleine d’évocations cryptées par Ferré, bat aussi tellement pour Cali.
Aux incontournables La mémoire et la mer et Avec le Temps, à Jolie môme qui fait danser le public, on préfèrera des chansons plus rares. Comme Paris je ne t’aime plus, à une seule guitare, plainte intime et émouvante : « Les guitares à Paris ne sont plus espagnoles », Le Bateau espagnol « grand bateau descendant la Garonne / Farci de contrebande et bourré d’Espagnols » chanté tout en tendresse, ou Le Flamenco de Paris, de 1950, rock et hondo à la fois, « La muerte ! » sur les hurlements de la guitare électrique et les grondements furieux du piano.
Les rappels combleront le public qui lui fait la ola, avec la solaire L’âge d’Or, en nappes de bonheur. Avant l’instant de grâce de L’Affiche Rouge (Aragon-Ferré) accompagné par Levon Minassian et sa bouleversante flûte arménienne ¡ Liberté !
Le site de Cali, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là. La tournée du concert se poursuit en France, en Suisse et en Belgique. Ce soir 8 novembre 2018 à Vichy, puis Guéret, Cébazat…
(1) Axel Toursky (1917-1970) poète français d’ascendance russo-provençale, membre des Cahiers du Sud, décédé des suites d’un accident de voiture en juillet 1970
(2) Extrait réécrit en 1971 à partir de sa Préface à « Poète… vos papiers! » de 1956.
(3) Son grand père Calicuiri avait fui l’Italie fasciste de Mussolini pour l’Espagne, puis l’Espagne de Franco pour la France.
« Thank you Satan » , clip
« L’Affiche rouge », à Bruxelles avec Steve Nieve
Difficile de trouver les mots tant l’émotion fut explosive ! Oui ! Ferré est toujours vivant ! Merci Cali pour ce fabuleux partage !