Reno Bistan, Lily Luca : On the road again !

Lily Luca et Reno Bistan au Nid de Poule (photo Alain Cornevin)

Le Nid de Poule, rue Royale à Lyon, 5 octobre 2018,

 Lui, son créneau, « c’est plutôt la sensualité » ; elle, son credo, c’est d’être « si banalement heureuse ». Une chance de les voir ensemble sur scène car, « généralement, on se déteste ». Lily Luca et Reno Bistan sont revenus au bercail sur les pentes croix-roussiennes à l’issue d’une tournée plus au Sud. 

Décor : le Nid de poule, pierres apparentes, cave voûtée intimiste, ambiance planches et boissons bio. Confort chaotique, brouhaha au comptoir, des chaises hiératiques, pied calé contre une poutre dans un équilibre bancal : la chronique sera sportive. C’était sans compter sur la belle énergie d’un duo haut de gamme, aguerri à capter les auditoires les plus dissipés !

Quand l’espiègle Lily ouvre le répertoire, Le Charme impénétrable des artistes torturés opère avec brio. Sa voix a cappella, face au visage inspiré de Bistan, procure un pur délice. Réponse du berger « un peu vintage » à la bergère un peu sauvage, ricochet de petites perfidie finement ciselées : le « charme vintage » fait son état des lieux, un « état des dégâts au milieu des vestiges ». Second degré, humour, saveur des mots embarquent.

« Non, je n’ veux pas / Retourner en France » clamé avec entrain sur la bouffe des restos, chanson « un peu shakespearienne » sans citer un Hulot bien « mené en bateau », les collectors s’égrènent. Dans son album sur Gênes – « le concept The Wall était déjà pris… » Reno Bistan s’inscrit dans une lignée sûre : Fabrizio de André a traduit Brassens, il traduit de André. Ce n’est pas rien, mazetten, qui plus est présenté avec succulente drôlerie ! Une Bouche de rose de petite vertu, « cette cochonne a plus de liaisons que le TGV Paris-Lyon ». Le ton est donné et glisse en ondes sensuelles sur « un coup rude pour mes certitudes », un Fred en slim d’anthologie.

Une bascule encore, nid-de-poule réjouissant, pour plonger en pleine science-fiction. Un Monde de droite qui s’enrichit de concert en concert pour coller à l’actualité : mince, Bistan serait-il fait pour durer ? Edouard Philippe, une famille de Rom montée dans le train, Wauquiez et, lui, le « chanteur vaguement gaucho » sous les traits de Morano. On rit, on chante. Lily Luca seule en scène vient imposer sa touche : « J’ai tout mon temps, tout glisse / Chuis open » susurre la brunette et l’on sent que le Lexomyl est à portée de main. Un texte dont la force tient à la distanciation, à l’interprétation toute en nuances et en recul. Eh oui, on bascule de plain-pied sur un militantisme qui résonne. Les accords de guitare se désaccordent au son des coups que reçoit l’épouse violentée.

Diantre, qu’elle est efficace pour dégainer ses rimes ! Lily Luca parle du corps, du sexe, des mots tus, de ceux qui tuent aussi. De La Petite goutte coquine à Laissez-moi peigner mon poney, la tendresse s’installe face à l’image d’un petit garçon aux cheveux en brosse. Et puis, « quelques bouquets de prose / Ecrits sur les lieux du drame » avant une volte-face sur une sombre histoire de foulard en coton oublié depuis plus d’un an. « J’ai peut-être un peu trop serré le nœud… » Comique, pathétique, elle touche et touche juste. Et que dire de sa superbe interprétation du texte de Bistan ? Dans sa bouche, « mieux vaut queutard que jamais » est un raffinement de choix.

On l’aura compris, le concert offert par Lily Luca et Reno Bistan était de ces instants précieux qui donnent envie de devenir pote avec eux pour les voir évoluer en soirée. Pince-sans-rire subtils, ces deux artistes complets nous ont emballés. Attachants, ils ont aussi toujours une pensée émue pour leurs « potes qui ont réussi » : « Pas facile tous les jours la coke et les p’tits fours ». Mais pour eux, ça va, ils ne sont « pas trop menacés par le bling-bling » !

Le site de Lily Luca, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là. Le site de Reno Bistan, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs  a déjà dit de Reno Bistan, là.

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