Nino Ferrer (15 août 1934 – 13 août 1998) vingt ans d’adieu au Sud
Vingt ans qu’il nous a dit Ciao, l’artiste. Il aurait 84 ans, et sans doute la fière allure d’un vieil Indiana Jones qu’il avait un jour rêvé d’être…
Ce jour-là, le peintre, l’auteur compositeur, le contrebassiste, bassiste, musicien, archéologue, explorateur, séducteur, rêveur, auteur à succès de deux des plus grand tubes du XXeme siècle, qui plus est tubes pas creux, Le Sud (le 45 tours paru en 1975 se vendra a plus d’un million d’exemplaires, lui rapportant la richesse et la gloire, mais pas le bonheur), après La maison près de la fontaine, seule
(magnifique) rescapée de l’album expérimental Métronomie, las de l’incompréhension qui accompagnait chacun de ses albums, marqué par le décès de sa Maman en juillet, met fin à ses jours, près de sa demeure de la Taillade dans le Lot.
Qu’on ne se souvienne d’un artiste aussi doué que pour des bluettes humoristiques comme Le Téléfon ou Mirza, ou même Le Sud, n’est pas étonnant, c’est arrivé à beaucoup d’autres. Lui ne l’a pas supporté, a payé cher sa liberté.
Il y a des chansons à découvrir dans les années 60 : celle-ci, Ma vie pour rien, est peut-être une clé. Plus proche des fantaisies de l’époque, on trouve Lookin’ for a girl. Et plutôt que Mirza, Mon copain Bismarck et Mao et Moa.
Un de ses disques les plus personnels et aboutis est ce Métronomie de 1971 qui flirte avec le rock progressif, écouter la chanson titre.
Même Le Sud est pour lui une imposture : le rêve de ce jazzman à la base, toujours en recherche dans sa musique, était un disque en anglais, funk-rock concocté avec Micky Finn, de Led Zeppelin, chanté en duo avec une de ses muses, Radiah. L’album, Nino and Radiah, sorti en 1974 a un succès relatif, en rien comparable à sa version en français, exigée par sa maison de disque. On peut entendre la version anglaise ici, avec tout l’album.
En 1973 il sort avec Micky Nino Ferrer and Leggs. On y trouve une chanson dédiée à sa femme, Kinou, et la superbe Moby Dick, ou l’Angleterre, avec une grande moitié uniquement musicale…
Suite en oeuf en 1975, dont on peut entendre ici la mélodique et désespérée Les morceaux de fer, ou la si musicale Chanson pour Nathalie ; l’étonnant et jazzy Véritables variétés verdâtres, en 1977 qui contient de véritables perles, douces ou déjantées – écoutez On passe trop de temps, L’inexpressible, Valentin, mais toutes valent l’écoute - ne sont pas des succès commerciaux. Et puis vient Blanat en 1979 avec le chef d’œuvre absolu, L’arbre noir : « Il flotte comme un goût de sommeil / Ou de tristesse, je ne sais comment / Ce n’est peut-être que le temps / Qui passe et laisse une poussière / De rêves morts et d’illusions ». C’est l’époque de la tournée avec Jacques Higelin.
Quatre albums suivront dans les années 1980, dont Ex-Libris où il met en musique un texte de son père Pierre, Rondeau : « Au fil de l’eau les jours s’en vont »; et Rock N Roll Cow-boy : « Moi, je suis toujours seul sous le feu des projecteurs / Pendant que le spectacle avance à toute vapeur / Je suis un rock’n'roll cow-boy / Qui a peur » avec aussi Ulysse : « Alors il regarda son visage dans les yeux / Et vit qu’il était vieux, et tout seul, et tout nu / Et se mit à rêver à tous ces jours perdus / En regardant encore vers l’horizon lointain / Qui semblait le narguer, tellement proche et pourtant si loin / Dérisoire, tout est dérisoire ».
C’est en 1989, à l’occasion de sa naturalisation que Nino Agostino Arturo Maria Ferrari enregistre une version de La Marseillaise.
En 1993 paraît La Désabusion, qui encore une fois ne comporte que de belles chansons, avec le titre éponyme, Trapèze volant : « Remonte sur ton trapèze / Toujours entre deux chaises / Remonte sur ton trapèze / Et moi, je file à l’anglaise / En dansant la javanaise / Au-dessus de la fournaise » (Version du Concert chez Harry en hommage à Hugo Pratt qui avait fait apparaître Nino dans sa BD Corto Maltese en Sibérie) et Le Bonheur… Il y reprend aussi Ma vie pour rien, une très belle et longue version.
En 1994, Nino Ferrer est interviewé par Philippe Lefait à propos de ses albums, de ses tableaux et de sa vision de la vie. Le document INA est intitulé « Je me trompe ou est-ce le reste du monde ? »
Plusieurs albums hommages ont été consacré à Nino Ferrer, voir nos articles précédents, et des concerts lui ont été dédiés, comme Autour de Nino en 2007 par Joël Segura, son ancien bassiste, qui reprend des chansons moins connues.
Le 13 août 2018 un grand concert hommage sera donné à Montcuq avec la participation de Sanseverino, Eric Lareine, Imbert Imbert, Magali Pietri, Cécile Perfetti, Matthieu Chedid et d’autres invités. Arthur Ferrari, outre sa carrière personnelle de chanteur, veille avec sa mère Kinou au souvenir de son père. Il organise également des expositions de ses tableaux et a en projet de créer un musée à Montcuq. Il a monté un studio d’enregistrement dans la grange jouxtant la maison familiale de Taillade, les Studios Barberine, où ont enregistré des artistes comme Chouf, Soan, Eric Lareine, Colin et Ornette pour Univers Nino en 2013, Cantat, Barbagallo…
La page facebook de Nino Ferrer c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
L’arbre noir
Ulysse
Le concert à Montcuq en 2018
Le concert hommage à Nino Ferrer Officiel à Montcuq avec Sanseverino, IMBERT IMBERT, Matthieu Chedid – M -, Eric Lareine, Magali Pietri, Cécile Perfetti… est actuellement visible ici, pour ceux qui l’ont raté (et sur la page facebook de FR 3 Pyrénées) :
https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/lot/cahors/direct-video-concert-hommage-amis-nino-ferrer-montcuq-lot-1525654.html
Avec également un reportage sur le 19/20 du 13 août, à 7:35
Allain Leprest pour Nino Ferrer, musique Michel Amsellem
Nino, chanté par Enzo Enzo dans son album Le jour d’à côté (2002)
Il y croyait aux tournecieux
Au vent et à l’envers des cieux
C’était un jour de tournesol,
Un chien ramenait dans sa gueule
Pour le déposer sur son seuil
La moisson de sang des journaux
Il y croyait au tourneciel
À la Louisiane et aux abeilles
Un jour de grippe transalpine
Il a bu une carabine
Et s’est endormi dans ses vignes
Le vin garde son dernier mot.
On n’a pas retrouvé Mirza
Mais les yeux de Mona Lisa
Arrosent ses champs de colza
Gaston se murge au casino
Il y croyait au tourneciel
Au sud, aux chevaux et au miel
Un après-midi de faïence
A éclaté dans le silence
Le même bruit quand s’élance
Une larme contre un piano
https://www.youtube.com/watch?v=eh3BU3F1lAM
Bientôt à Paris une exposition en hommage à Nino Ferrer, l’Exposition – Ground Control du 19 septembre au 28 octobre 2018, évocation de l’artiste par ses musiques, peintures et objets personnels
Merci pour ce rappel. Je possède l’intégrale discographique de Nino Ferrer mais ne l’a jamais écouté toute entière : me reste donc sans doute des trésors à découvrir, rien que cette idée me plait…