Off Avignon 2018, Barjac 2018. Les escrocs, bienfaiteurs en cavale
Sauvé dans Catherine Laugier, En scène, Festivals, L'Équipe
Tags: Barjac 2018, Eric Toulis, Les Escrocs, Nouvelles, Off Avignon 2018
9 juillet 2018, l’Arrache-Cœur,
Trois mousquetaires du rire bien connus de Nos Enchanteurs, presque aux couleurs bleu – blanc – rouge… Eric Toulis au profil généreux porte un costume turquoise du plus bel effet, il s’adjoint la guitare, l’ukulélé, le saxo… Hervé Koury, visage malicieux sous sa gapette de titi arbore une veste moutarde qui lui vaudra les quolibets de ses acolytes, il est le roi de l’accordéon, du clavier, et même de la flûte à bec. Ne riez pas, aucun instrument n’est aussi multiple dans ses formes et ses usages. Elle vous emmènera tour à tour en Afrique, à l’époque du cinéma muet ou au temps des yéyés… Didier Morel, à la batterie, vêtu d’une tenue vieux rose qui sied parfaitement à son teint et à sa chevelure aérienne, accompagnée de tongs, Avignon oblige (il fait chaud, très chaud), est à la tête d’une invraisemblable médiathèque de percussions en tous genres, tambours, tambourins, cymbales, et de tout ce qui se secoue, se gratte, se frappe ou se caresse, jouée avec une grande subtilité. Avec les rayons de bibliothèque, si, si.
En couleur, la vie se voit sous de meilleures auspices. Les escrocs ne vieillissent pas, ils se patinent et se bonifient encore avec le temps, distillent la bonne humeur, tout en n’ignorant rien des problèmes de notre temps. Et après cette pause de dix ans qui nous laissait en manque, il semblerait qu’ils mettent les bouchées doubles pour nous remonter le moral.
Assedic nous emmène plus sûrement aux Caraïbes que les lignes low coast, refusant la sujétion au travail : « Mais faudra me payer cher / Pour retourner au carnaval / Du R.E.R / Et du Leclerc de Bougival ».
L’autre versant du problème est beaucoup moins souriant, c’est une longue Java du caniveau, cousine du film Une époque formidable, écrite à la même époque et malheureusement toujours d’une cruelle actualité. Si elle est musicalement très réussie, les paroles vous font froid dans le dos : « Ça s’est passé en moins de six mois / Avant je vivais comme toi / Maintenant je dors dans un caniveau / Avec mes sacs et mon manteau ». Quand l’accordéon se met de la partie, elle rejoint la grande tradition des chansons révolutionnaires du XIXeme siècle : « Et on s’en ira pique-niquer / Sur les belles pelouses de l’Elysée / Et ce jour là, planquez l’artich / Y fera pas bon être riche ».
Nous faisons le tour du monde avec des rythmes tropicaux , de la java, des reggaes des Caraïbes– même s’ils nous parlent d’ours bipolaire et de fonte de banquises, du slam – c’est Gros corps malade qui s’y colle, du jazz crooné…
L’histoire sainte n’est pas oubliée…Une improbable histoire d’anges, de Diable, et de Saints, où « Dieu avait des problèmes avec un fils brûleur d’encens » revisite l’Evangile comme Joyet la Bible. Le paradis n’est pas loin avec Le vent d’été , datant de l’aube du siècle : « La saison rêve de douceur / Ou l’on voit tout tout en couleur / Le cœur rempli par un plaisir étrange / On a les ailes d’un ange ». Jouée avec un mini saxophone bouché, elle cite quelques notes de Summer time, s’accompagne des bâtons de pluie de Didier et des douces notes du clavier d’Hervé.
Mais gare à ne pas se retrouver « aux tréfonds des bas-fonds » au Bal des vilains dans une mythologie noire et burlesque où se croisent des personnages à la Jérôme Bosch : « Et leurs bouches sans chicots / S’offrent de long bécots »
Heureusement Docteur Morel nous a concocté un chouette petit rafraîchissement poétique avec son improbable Hymne au frigidaire, tout à fait bienvenu…
Je peux bien vous l’avouer : je craignais de trouver dans ce concert un humour bas de plafond auquel je ne suis guère sensible. Mais c’est tout le contraire, ce concert est un vrai bonheur, et vous pouvez y aller en famille, applaudir ces super-héros. Vous en sortirez plus intelligents, légers et le sourire aux lèvres ! Vous aurez même droit à une dégustation d’un gâteau au chocolat qui, je vous le promets, n’est un Space cake que pour notre imaginaire. En rappel une java casquée de 1994, hymne à l’inoxydable Gabrielle, qui n’est pas une demoiselle, mais une mobylette.
CATHERINE LAUGIER, le 14 juillet
Le site des Escrocs, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
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