Off Avignon 2018. Tom Poisson : 2 hommes et 1 cœur si fin
20 juillet 2018, l’Arrache-Cœur,
C’est beau, un homme sensible qui chante. Allez savoir pourquoi c’est cette phrase-là qui surgit au début du concert, assis dans le noir, quand deux silhouettes pour un seul micro entament dans l’ombre la première chanson devant nous « Se passer des visages ». Quelque chose de fort et de doux déjà se passe là sur scène, « léger comme les nuages », deux voix guitare et percussions pour « oublier le passé des visages » et partir « sans boussole ailleurs ». Un seul micro ? Quand les lumières s’allument, nous comprenons tout ou presque : Tom Poisson présente le duo comme l’agent plus double de la Terre ! Et, de fait, Tom et son fin bonnet campé sur la tête, Paul Roman et son chignon de samouraï, semblent déjà complices, quasi jumeaux de scène en harmonie bleutée et barbue…
On connaît Tom Poisson en tant que (magnifique) « Fouteur de joie » depuis une vingtaine d’années, mais le succès du joyeux groupe (vu au Off l’année dernière avec « Des étoiles et des idiots », un grand souvenir !) ne l’empêche pas de suivre son propre chemin depuis presque autant, chansons françaises qui deviennent plus folk au fil des ans ; plus électriques aussi mais toujours poétiques et inspirées par le vivre ensemble, la vie différente, les multiples passerelles entre l’art et la vie.
Pour cet opus, c’est Paul Roman qui l’accompagne – lui-même chanteur par ailleurs et connu pour ses chansons sobres et élégantes – à la guitare, aux percussions, au clavier, mais aussi à la voix, une voix plus haute qui fait merveille dans ce duo complice qui se passe le flambeau de chanson en chanson. Au centre d’une mise en scène épurée, le micro se partage, ils tournent autour, s’en emparent ou pas, l’ignorent même parfois. C’est Tom Poisson qui mène le bal, avec ses chansons intimistes qui nous parlent du temps qui passe, des « traces des aiguilles de mon quartier » et de la « vie à croquer ».
On est proches d’eux, dans cette salle de l’Arrache-cœur où passent aussi d’autres talents parrainés par l’ADAMI, l’occasion de se faire connaître un peu plus des professionnels et d’être accompagnés vers une meilleure visibilité. La connivence des deux chanteurs est évidente, on les imagine « potes » dans la vie, on sent le plaisir de jouer ensemble, et c’est communicatif ! Le jeu est là aussi entre eux deux : Tom vouvoie Paul ! Etincelle dans l’œil et sourire en coin, il le sollicite parfois d’un « Qu’en pensez-vous, Paul ? » qui est d’un distingué…
D’ailleurs, les « funambules insouciants », ça pourrait être eux ? On se sentirait presque autour d’un feu de camp, on est tranquilles là, à entendre chanter l’amour et les retrouvailles « Est-ce que la vie te chahute encore ? », l’amour et ses blessures « Alors, ne t’éloigne pas trop / Je tombe chaque fois de haut », douces ballades où les ruptures voient le « cœur s’échapper de l’écrin que je lui avais confectionné ». On retrouve avec plaisir une chanson entendue avec les Fouteurs de joie « Les Wagons qui passent » et dont le public reprend volontiers le refrain à pleine voix : « Roule à l’envers, saisis ta chance » ! Le charme a opéré depuis longtemps, il n’en faut pas beaucoup pour le refrain suivant « On part pour où tu veux / On court tant que tu peux » soit lui aussi entonné par la salle, inspirée par cette envie d’aller « tout droit visiter l’azur » et « braver toutes les utopies » !
Reprises des albums précédents de Tom Poisson ou nouvelles chansons d’un futur album (« Se passer des visages », à paraître en 2019), on retrouve cet humour tendre, cette douce mélancolie qui nous va droit au cœur. Qu’on ne s’y trompe pas, rien n’est doucereux ici ; les mélodies sont entraînantes, les guitares sont bien présentes, et les percussions de Paul Roman le multi-instrumentiste donnent à ce récital épuré, des accents folk où les deux voix ensemble s’harmonisent et se complètent avec bonheur. « Que dirais-tu d’un moment passé tous les deux / Allongés sur l’espace et le temps » nous dit une des chansons… Voilà un concert qui incite à la pause, qui invite à l’écoute et au regard, à aller vers les autres et à prendre son temps. Un retour à l’essentiel ? Oui, n’ayons pas peur des mots, ce duo-là nous parle de la vraie vie, de celle qui se tourne vers l’autre et qui se saisit à pleine main et à pleine voix !
ANNE LEFEBVRE
« 2+1 », 2 hommes + 1 micro, Tom Poisson avec Paul Roman, 13 rue du 58° RI-Porte Limbert 06 83 45 57 71, Salle Moustaki, du 6 au 29 juillet à 19h 30, relâche le mercredi 25, durée 1 heure, 20 juillet 2018, l’Arrache-Cœur. Dans le cadre des Talents Adami (6ème année pour cette opération avec Léopoldine HH, David Sire, Batlik et Anastasia. Le site de Tom Poisson, c’est là ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là. Des infos sur le dernier EP éponyme de Paul Roman, sorti en mars 2018, c’est là.
Le teaser du concert « 2+1 », c’est là :
Un extrait du prochain album « Se passer des visages », la première chanson de ce concert à Avignon :
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