Spa 2018. Le monde noir de Jérôme Mardaga
20 juillet 2018, Francofolies de Spa,
Le Liégeois Jérôme Mardaga est plus connu sous son pseudo de Jéronimo (quatre albums entre 2002 et 2013). Sans avoir peut-être réussi pleinement à toucher le tout grand public, ses prestations scéniques et ses multiples tournées lui avaient permis de se forger une large audience en Belgique et dans la francophonie, composée d’adeptes du rock-guitare et de chansons acérées. La lassitude s’étant toutefois emparée de sa personne, il avait un peu disparu des radars, malgré son album Zinzin de 2013 (moyennement réussi, reconnaissons-le).
C’est donc avec un grand plaisir que nous avons accueilli la nouvelle de sa résurrection. Nouveau projet et abandon de son surnom pour son réel patronyme. Cela sentait bon la remise en question fondamentale.
A l’autopsie, ce retour est une brillante réussite. Rassurons les fans de la première heure : il n’a pas entièrement tourné le dos à son passé, veillant à nous interpréter dès le début du concert son plus grand succès, L’été inoubliable, que le public lui aurait réclamé immanquablement. Mais pour le reste, fini la formule du concert pop-rock où l’on enchaine les morceaux en variant les ambiances. C’est bien un spectacle complet qui nous est offert, transposition scénique de son nouvel album-concept, Raid aérien, tout juste sorti fin juin.
Un concert noir de noir, qui se déroule sur fond de projections vidéo en noir et blanc, nous dévoilant des images aussi réjouissantes que des zones industrielles en friche, des défilés militaires, des canons en action, des avions de guerre…, entrecoupées çà et là de messages subliminaux. Un concert aux lumières blanches et crues, parsemées d’effets stroboscopiques. Un concert avant tout musical, les nouveaux titres étant chiches en paroles. Un concert qui déploie un climat angoissant et post-apocalyptique. Un concert brut et sauvage, fait de longs morceaux hypnotiques à la mélodie répétitive, où la voix du chanteur est régulièrement déformée et qui s’achève dans une explosion de sons et de guitares. Un concert où les tripes sont davantage sollicitées que les méninges… Tous les amateurs du groupe écossais Mogwai devraient adorer Jérôme Mardaga new look.
Proposer un tel voyage exige des musiciens aguerris. Le (par ailleurs chanteur) liégeois Gaëtan Streel donne dans la basse oppressante, tandis qu’Olivier Cox est un impressionnant batteur qui relève haut la main le défi de tenir sans faillir la rythmique martiale de ces longues chansons. Leurs prestations doivent être saluées au même titre que celle de leur leader.
Un retour à Jéronimo servira de conclusion, son ancien titre J’ai peur des Américains (adaptation de Bowie) collant parfaitement à l’esprit de cette nouvelle formule. Lessivé, sous le choc, le public s’en repartira les oreilles encore bourdonnantes de ce post-rock à la française. Que c’était bon d’avoir eu si mal !
Maints concerts semblent n’avoir comme but (honorable en soi) que de faire danser le public et de lui faire quitter la salle avec une pêche d’enfer. Jérôme Mardaga ose une autre proposition. Sur l’écran de projection, ce sont les mots Nous dormons qui s’affichent en fin de prestation. Tel un cri d’alarme d’un être humain inquiet de l’avenir. Un grand artiste est de retour aux affaires. Faites passer le message.
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