Off Avignon 2018. Joce, chanteuse essentielle
13 juillet 2018, Théâtre Le Castellet,
« Elle met trois l à hirondelle», comme ce vers de la merveilleuse Madame du Leprest aux deux ailes lui va bien ! Cette bouleversante chanson qui a déjà vingt ans devrait être l’hymne de toutes les femmes, dont il a si bien su saisir les sentiments tout au long d’une vie. Allain Leprest est un des fleurons du répertoire de Joce, qui choisit ses titres pour les émotions vraies qu’elles suscitent en chacun de nous, même si ce ne sont pas les plus connus.
C’est à un véritable florilège de tout ce que la Chanson a pu inventer de meilleur auquel nous allons assister, une synthèse de ce qui doit rester dans la mémoire, toutes tendances confondues, de tout admirateur de la chanson française. Joce met sa patte aussi bien sur la chanson féroce et satirique, cette Maudite Clochette de Juliette ou ce Tango des joyeux bouchers de Boris Vian, que sur la chanson dramatique. « J’ai vu couvrir de terre ton corps en bois dormant / En recouvrant mon père, je perds en moi l’enfant. », le Vierzon de Jamait, émeut aux larmes.
Chanteuse réaliste, mais tellement plus naturelle que nos belles des années 30, chanteuse comique – je la verrais bien reprendre La parisienne de Marie-Paule Belle – elle incarne à merveille, avec La cassette vidéo, les tourments de nous pauvres femmes, toujours à la recherche de la plastique idéale. Se souvenir de cette émission d’aérobic télévisuelle au succès phénoménal des années 80, au cultissime générique « tatatuiotuttututu… ». Et ce sans le secours de l’accent, pittoresque à nos oreilles, de sa créatrice Linda Lemay.
Sa version féminine du Gérontophile de Bernard Joyet réjouirait fort son auteur, je le parierais sans crainte.
Toujours juste, jamais caricaturale, touchante ou drôle, la voix souple, expressive et vivante, a de rares inflexions graves, des vibrations, du rythme et de la nuance. Le jeu corporel de cette jolie blonde tout de noir vêtue est parfait aussi. C’est l’interprète idéale , dans la lignée des plus grandes, Piaf, Solleville, Michèle Bernard, Catherine Sauvage… Capable de reprendre avec autant d’impact Jamais plus Jamais d’Agnès Bihl que Je t’aime de la dite Michèle Bernard, ou Je me suis fait tout petit de Brassens. Et tellement juste, toute sobre accrochée au micro, faisant revivre les mains d’Edith de la sublime chanson de Leprest. Sortez vos mouchoirs. Pas pour pleurnicher, pour vous noyer dans la beauté.
Elle le prouve encore en reprenant, ce dont peu sont capables, Je ne veux pas de ton amour de Barbara Weldens. Nulle imitation là encore, elle incarne complètement cette chanson, tant qu’on oublie un instant qu’elle n’est pas d’elle. Son hommage à Barbara Weldens, Si j’étais, de sa propre écriture, s’impose comme une évidence.
Si vous n’avez qu’un seul concert de chanson française à écouter sur Avignon, c’est celui-là qu’il vous faut aller voir.
Chansons à voir – acte 2, en duo avec le pianiste Gérard Salmiéri, 113 rue de la Carreterie, du 6 au 29 juillet à 18 h 30, relâche les jeudis, durée 50 mn.Pour la deuxième année à Avignon.
Le site de Joce, c’est ici.
La deuxième vidéo a été enregistrée en 2017 avec Guillaume Wilmot.
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