Foutredieu, Gotainer est de retour
La peste soit des ronchons et des pisse-vinaigre, jouez hautbois, résonnez musettes, le plus facétieux de nos trouvères, le plus pétaradant de nos bardes, le plus sous-estimé de nos artistes est de retour avec un nouveau disque. Oui, le grand Richard Gotainer se radine enfin avec une galette peinture fraîche sous le bras. Dix ans qu’on l’attendait. Diantre, j’ai failli m’impatienter.
Son opus porte le doux blase de Saperlipopette (or not saperlipopette). La pochette nous montre notre binoclard préféré attablé et pensif, gapette sur la tête, un crâne à la main tel le doyen des Hamlet, un livre savant ouvert devant lui, juste à côté d’un verre de picrate et d’un sauciflard (cet homme-là sait vivre !). Splendide photo qui laisse augurer d’un disque d’une maturité réjouissante.
Nous ne serons pas déçus. La chanson d’ouverture donne à la fois son nom et le ton à l’album. Revisitant la Ronde des jurons de Papy Georges, Saperlipopette est une ode à la gloire du verbe vert et créatif (Laissons aux aboyeurs/Leurs manières de clébards/Et hissons la verdeur/A l’étage du Grand Art), un appel à la redécouverte des gros mots oubliés (On restaure « palsambleu »/On ressort « bistouquette »/On déterre le « morbleu »/Et « saperlipopette »), un hymne à la liberté langagière. Réjouissant de bout en bout et, cerise rutilante d’un alléchant gâteau, doté d’un magnifique clip comme à la grande époque.
La suite sera à l’avenant. Au programme : une prière à l’envers (J’veux pas aller au Paradis), une chronique joyeusement anarchique (Les moutons), un panégyrique de l’huile solaire d’un érotisme trouble (Je te oins, tu me oins), un détour par l’amour (Baisers mouillés, Ils se sont plu), une vie mode d’emploi (Toujours tout droit), un cri de désir digne du loup de Tex Avery (L’affaire) et, bouclant la boucle, un retour sur les subtilités du langage par une attaque en règle du politiquement correct (Un chat, un chat).
Tous les textes sont de la plume de Gotainer, bien entendu. La partie musicale a été confiée à Michaël Lapie, multi-instrumentiste, compositeur de toutes les musiques et réalisateur du disque, qui s’en est donné à cœur joie. De la mélodie jazzy à la pop-synthés 80’s, en passant par un country-blues très roots (avec l’harmonica de Jean-Jacques Milteau en appoint), un rythme hawaïen ou un rock saignant, le tout abondamment agrémenté de chœurs, comme il se doit chez notre chanteur. C’est un festival d’ambiances qui déboule dans nos oreilles guillerettes. Comme toujours, Gotainer (qui s’autoproduit depuis ses débuts pour préserver son indépendance) aura suivi ses envies sans se soucier de l’air du temps et se sera entouré des meilleurs.
Le CD est court. Neuf chansons en tout pour une petite demi-heure de musique. Du concentré de plaisir. De la jouissance compactée. Qui devrait plaire à tous les amoureux de la belle chanson. Ceux-là savent déjà combien Gotainer est un grand maître, un précurseur qui a su allier la rigueur de la chanson classique aux rythmes de la pop anglo-saxonne. Il est un auteur de haut niveau, au vocabulaire riche et imagé, à l’imaginaire fécond, qui fait sonner les mots français comme peu, fruit goûteux de son expérience dans la publicité. Il faudra bien un jour que justice lui soit rendue : l’extraordinaire tandem créatif que Gotainer a formé durant des années avec Claude Engel n’a rien à envier au Lennon-Mc Cartney d’outre-manche !
Saperlipopette réjouira tous les fans de l’auteur du Youki. C’est qu’à 70 ans, le béquillard des bois en a gardé sous la pédale. Il nous promet d’ailleurs la transformation de l’essai sur scène. Palsembleu, encore combien de fois dormir ???
Richard Gotainer, Saperlipopette (or not saperlipopette), Gatkess Productions, 2018. Le site de Gotainer, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Quel pourcentage de chance d’entendre cette petite pépite sur les ondes ?
Comme le disait un jour un producteur à un chanteur fantaisiste (Oldelaf je crois) : « Il faudrait savoir, vous êtes chanteur ou vous êtes humoriste ? »!!!!!