François Corbier, 1944-2018
Permettez-moi que j’écrive en pleurant ; fasse que mes larmes ne ruinent pas l’ordinateur… J’ai collaboré jadis à une belle et grande revue sur la chanson où, de fait, Corbier y était persona non grata. En clair il pouvait se gratter. Un journaliste influent avait décrété que Corbier ne pouvait y figurer, au prétexte qu’il avait perverti nos têtes blondes en faisant des années durant le pitre aux côtés de Dorothée. J’ai eu la chance, sur le dernier numéro de cette docte revue d’enfin pouvoir chroniquer (merci Fred Hidalgo !) un album de François Corbier : j’en suis fier et lui, je vous jure, en était vach’ment content. A la fin de sa collaboration avec Récré A2, Corbier a voulu relancer son vrai métier de chanteur, en cabaret ou ailleurs. Et a trouvé souvent portes closes, pour les mêmes et connes raisons. Il n’était pourtant coupable que de p’tites chansons, de p’tites distractions télévisuelles. Mais les ayatollahs, les staliniens de la prétendue morale veillaient au grain. Je me souviens au moins d’une salle, A Thou bout d’Chant, à Lyon (merci Marc et Frédérique !), qui contre vents et marées, l’a programmé à compter de ce jour tous les ans, parfois plus. Chaque fois le public était plus nombreux que la fois précédente. Car Corbier était comme un truc viral, qu’on aimait à se partager, à en parler, pour aussi faire rire et frémir les copains, les voisins, tout le monde.
Corbier, ce sont les fameuses chansons flash : des trucs de quelques dizaines de secondes, guère plus. Comme des spots, mais en plus drôle, plus intelligent, qui aimaient à bousculer nos neurones. Ses chansons plus longues aussi, si belles. Un truc où la tendresse le disputait au corrosif. De la chanson engagée et c’est pas un gros mot que de le dire, de l’écrire.
Entrer en amitié avec Corbier, c’était entrer en fidélité. J’ai chez moi nombre de petits mots gentils de lui, des vœux complices, des dédicaces qui frèrent plus qu’elles ne confrèrent. Nous avions, je crois, un peu beaucoup de la même philosophie : celle qui dit « mort aux cons et vive la vie ».
Avec sa mort, on va encore se sentir plus seuls qu’avant, et l’écoute de ses disques ne pourra rien y changer. La mort, c’est con. Ça l’est plus encore quand il s’agit de François Corbier.
Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de François Corbier, c’est ici. Le site de François Corbier, où vous trouverez toute sa discographie et des paroles de chanson, c’est là.
Commentaire de Michel Trihoreau :
« Je ne peux absolument pas laisser dire que Corbier était « persona non grata » à Chorus. En qualité de membre du comité de rédaction de la revue, je peux affirmer que c’est TOTALEMENT FAUX. Si Chorus n’avait été frappé en plein vol alors qu’il restait tant à dire et à montrer, bon nombre de chanteurs, connus ou non, ainsi que leurs fans, ne pourraient aujourd’hui prétendre à cette apparence d’ostracisme qui n’a jamais été de mise à Chorus et ne correspond aucunement à l’esprit dans lequel nous travaillions.
Aucun chanteur n’a été exclu a priori, pas plus François Corbier qu’un autre. S’il est exact que François avait fait état auprès de Fred Hidalgo, directeur et fondateur de la revue, d’un échange difficile avec l’un de nos confrères, ceci était sans conséquences. Chaque journaliste a sa propre sensibilité, ses propres goûts ou réticences et ceci n’a jamais eu aucune incidence sur les choix rédactionnels, le plus souvent guidés par l’actualité et par les hasards des rencontres. Si Chorus avait vécu au-delà de l’été 2009, il est évident que François Corbier y aurait trouvé sa place, au moins pour un portrait, comme tant d’autres que la disparition de la revue a laissé dans l’ombre. »
Ce n’est pas le lieu pour développer une polémique sur la ligne éditoriale de feu Chorus, et sur certaines mises à l’écart systématiques. Corbier est un exemple parmi d’autres…
« Si Chorus avait vécu au delà… » c’est un peu court jeune homme… Chorus a vécu suffisamment pour s’intéresser, ne serait-ce qu’une fois, à François Corbier, non ?
Remercions Michel Kemper, qui a bien connu Chorus je crois, pour le bel hommage à cet auteur compositeur hautement estimable pour ces chansons si joliment troussées, et si faussement légères.
Oui, François Corbier était un chanteur important.
Maintenant qu’il n’est plus là, je viens de prendre conscience que je l’aime plus que Georges Brassens. J’aime son mordant, son honnêteté, sa tendresse, son style. Il a composé un certain nombre de très très belles chansons, évoqué des sujets du quotidien que peu osent évoquer (femmes battues, les règles, la vieillesse…), ou en tout certainement pas avec de cette manière si directe, crue et sincère, de son style direct et unique, qui touche profondément…
Il y a quelques années, je suivais les billets d’humeur qu’il mettait en ligne sur son site (il y racontait ses impressions sur l’actualité, mais aussi ses concerts ou ses problèmes de santé sans cacher quoi que ce soit des problèmes liés à son âge et de manière très drôle. Jusqu’à ce que je me rende compte qu’il n’écrivait plus rien… J’ai alors eu peur qu’il soit malade, ou pire…
Je lui avais alors écrit un gentil message pour prendre de ses nouvelles en douceur, sans savoir s’il me répondrait, s’il n’était pas malade, s’il n’était pas peut-être dégoûté d’écrire dans le vent, ou s’il n’était pas mort…. Mais il m’a gentiment répondu (ouf!), en m’expliquant qu’il avait basculé ses billets sur Facebook, pour être en phase avec les usages du temps. Et je lui ai alors dit tout le bien que je pensais de lui et de ses chansons, et puis voyant qu’il avait plein de fans qui le suivaient sur Facebook, je l’ai laissé avec ces nombreux amis qui le lisaient, car moi je n’avais pas grand-chose en commun avec tous ces fans. Pourtant, il a aussi bercé mon enfance à la télévision, mais moi ce n’est pas pour ça que je l’appréciais, mais tellement plus pour sa carrière de chanteur, qui débute surtout à partir de 2001 (même si je suis étonné de découvrir que sa magnifique chanson « Elle s’en va » date de 1995, en face B d’un de ses tubes de l’époque).
Oui, c’est une belle carrière qu’il a mené ensuite, chapeau… On ne t’oublie pas.
FRANCOIS CORBIER…
Très occupé ces temps-ci, notamment par les conséquences de nos dégâts des eaux répétés durant l’hiver et le printemps, je n’ai guère eu le temps de “surfer” sur Internet (ni l’envie non plus d’aller sur Facebook avec d’une part la censure artistique que les tartuffe bien-pensants de ce réseau mettent systématiquement en oeuvre dès que la diffusion d’une photo d’art ou d’un tableau de maître, par exemple, semble porter atteinte aux “bonnes moeurs”, et d’autre part la désinformation croissante voire pire qu’il charrie), mais il me semble nécessaire de remettre ici les pendules à l’heure sur notre supposée position à propos du regretté François Corbier (un bel artiste de plus qui nous quitte en si peu de temps, aujourd’hui c’est François Budet…), après avoir été alerté par Serge Llado et Gilbert Laffaille à la suite d’un article paru sur NosEnchanteurs.
NON, François n’était pas “persona non grata” à Chorus.
Nul ne l’a jamais été… même s’il y a des artistes à côté desquels nous sommes passés, comme lui, c’est vrai et je le regrette. Si Chorus avait vécu encore un peu, nous aurions ajouté à son index des dizaines d’artistes supplémentaires aux centaines auxquels nous avons ouvert nos colonnes entre 1980 et 2009 – dont, évidemment, François Corbier. Car même si le résultat éditorial était le fruit d’un travail d’équipe, JAMAIS je n’aurais permis qu’un de nos journalistes s’autorisât un droit de veto sur un artiste. Si l’un d’entre eux avait osé tenter le chantage “c’est lui ou moi”, vous pouvez être sûr que c’est le journaliste qui aurait été tricard chez nous mais en aucun cas, jamais, le chanteur. Malheureusement, Chorus n’est pas allé au bout de sa vie qui était appelée à être longue encore, on lui a coupé les ailes en plein vol.
En 1980, nous avons créé Paroles et Musique (“Le mensuel de la chanson vivante”) entre autres pour tenter de remédier (à notre modeste mesure) à la censure hypocrite qui, à l’époque, frappait quantité d’artistes. Alors, imaginer seulement qu’on puisse reproduire dans nos pages ce même schéma d’exclusion, c’est on ne peut plus stupide : à P&M et plus tard à Chorus, on se battait justement contre ça ! Notre parti pris, si nous en avions un, était seulement celui de l’OUVERTURE DANS LA QUALITE.
Cela nous a d’ailleurs été parfois reproché, et parfois violemment, par des “purs et durs” de la chanson, heureux qu’on mette en évidence un parfait inconnu ou qu’on déroule le tapis rouge à un artiste “maudit” qui le méritai(en)t, mais furieux qu’on “ose” parler d’un artiste “grand public”… qui pourtant le méritait tout autant. Car la notion de notoriété n’a jamais été un critère éditorial pour nous : seule comptait la qualité artistique. C’est bien mal me connaître aussi, moi qui admire autant San-Antonio, Céline ou Rabelais qu’Albert Cohen, Garcia Marquez ou John Irving, qui estime autant Goldman que j’estimais Vasca et qui suis autant touché par l’oeuvre de Jacques Debronckart, par exemple, que par celle de Jacques Brel (ce qui n’est pas peu dire)… Comment peut-on décider de se priver a priori de tant de belles choses dans la vie, sous le prétexte que c’est forcément mauvais parce que c’est populaire… ou l’inverse : que c’est forcément sans intérêt puisque totalement inconnu ! “Etes vous l’aile gauche ou l’aile droite ?” demandait-on au poète ; et celui-ci de répondre : “Je suis l’oiseau.”
Et Puis Merde, comme avait dit Léo Ferré à François Dacla avant de créer ensemble EPM ! Si au bout de 38 ans de fréquentation pour certains (Paroles et Musique = juin 1980), on me méconnaît encore à ce point, il n’y a plus qu’à tirer le rideau et et rentrer dans sa coquille.
Cordialement à tous et toutes
Fred Hidalgo
PS. Je l’ai dit à Serge Llado : j’avais eu l’occasion de discuter très amicalement au téléphone avec François Corbier qui croyait en effet que Chorus ne l’appréciait pas trop. J’ai eu le plaisir… de lui faire ce plaisir de le démentir totalement sur ce plan. Et cela m’a permis d’apprendre l’existence d’un problème entre l’un de nos collaborateurs et lui ; puis que François avait associé à tort l’opinion de ce journaliste à l’ensemble de notre équipe, alors que cela ne concernait bien sûr que la personne en question (des goûts et des couleurs, voire des a priori… injustifiés, comme presque toujours).
Pour rappel, si ça vous chante :
Vingt ans après : http://sicavouschante.over-blog.com/article-chorus-vingt-ans-apres-110414722.html
C’était menti : http://sicavouschante.over-blog.com/article-c-etait-menti-52722970.html
Goldman et Vasca enemble : http://sicavouschante.over-blog.com/2018/01/de-goldman-a-vasca.html