Lucien la Movaiz Graine, l’enchanteur de vie
C’est un album enregistré en mai 2017 en quartet lors d’un concert dans le lieu mythique de la chanson à Toulouse, Le Bijou. Qui n’a jamais si bien porté son nom que ce soir là, pour nous faire découvrir les mille facettes de celui qui se fait appeler Lucien La Movaiz Graine, plaisante façon de retourner son blase de naissance, Julien Malherbe, un bien joli nom.
Ce funambule sur sa ligne imaginaire a fort à faire, à écrire–des textes simples, forts, foisonnants–composer, jouer, interpréter au chant, aux guitares, à l’accordéon les divers personnages qu’il fait vivre. Quitte à désarçonner certains, le tragique côtoie le burlesque, le jazz met le feu à la java, et le rock explore, implose, baroquise avant de rejoindre le reggae ! Sans oublier les dites « musiques actuelles », Julien et ses musiciens ne s’interdisent rien ! C’est là son aveu, déclinant les rimes en –belle avec un p’tit accent de bastringue, J’suis Rebelle : « Je mise tout sur ma voix de crécelle, sur le son que j’envoie décibel / Mi blaireau, mi grivois, pas de label, sur la scène je louvoie, j’suis rebelle ».
Dark Lucien est tendu de révolte. Psalmodie un rap qui mâche ses maux et ses mots, interpelle, sidère : « Mort de tortures, mort de viols, de terreur (…) Mort d’un flot d’intox qu’on veut bien boire (…) Mort de ne plus savoir rien faire de ses mains / De laisser aux puissants le contrôle de demain (…) Nous sommes, peuple d’en bas, de la chair à canon »…
C’est la Mélopée du crotale, dystopie de la vengeance du règne animal : « Attention les humains ça va faire mal ! / La faune sur le dance floor crie : scandale ! » Elle tourne en rythme infernal entre rock et sonorités arabo-andalouses où l’accordéon délirant provoque en duel la battante contrebasse, ou prend des allures de grandes orgues.
Et les mots en scansion alternent avec des incantations magiques, le calme avec la tempête en une fresque musicale impressionnante…
La sensibilité de Julien transparaît dans ses chansons de quête de vie. Ce sont de grands morceaux de rock à texte. Nous les aimons tellement qu’on vous les a déjà présentées. Le Pas, nous lui avions déjà entendu l’interpréter en solo, embrassant son accordéon; ici Nicolas Caillot fait vibrer les cordes de sa contrebasse, Julien Trefel amortit ses percussions, et Mathieu Laciak claviérise en douceur, envoyant ces chansons-plaintes-déclarations d’amour et de vie dans les hauteurs, entre jazz, rock et symphonie.
La mélopée tragique de Juste en face « Face à l’homme de la honte, perdu, dépassé impuissant (…) Juste ton sourire d’enfant, des rires, des fleurs et des chants », s’élève, avec ses cordes qui gémissent harmonieusement, ses notes de clavier qui suspendent le temps, cet espoir qu’il fait renaître, ses vocalises superbes, « la beauté du monde (…) la bonté de l’homme »…
Petit Prince est un adieu paradoxalement des plus joyeux, yapapa yapapa, tout en tension « pour raviver la flamme perdue ».
Julien coiffe aussi son personnage burlesque et baroque, réclamé à grands cris par le public. Où sous la dérision se cachent toujours la souffrance et la tendresse. Yvette Gélénerr, la fille au grand cœur qui palpite sous son boa, nous distille des messages d’amour, de colère et de liberté. Envoie valser les petites cuillères dans un corps à corps chaloupé que le quatuor change soudain en pure improvisation rock…
Dans ce pays de troubadours, l’album ne pouvait que se terminer par une joute verbale typique, enregistrée au Café Plùm à Lautrec, hymne à la musique de tout style qu’elle détaille à loisir, « Si tu chantes, enchantes la vie et que celle-ci te maudit / Quand le grand malheur te mord, chante, danse encore plus fort ».
Lucien la movaiz graine, Juste en face, album enregistré en concert, auto produit (2018), graphisme Yoan Richard
Un concert de sortie d’album a été donné au Bijou les 29 et 30 mars 2018. Album studio en préparation.
Le site de Lucien la Movaiz Graine, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.
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