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La Green Box : l’Hugo frais

La-Green-BoxVoici un disque dont je peux prédire, sans risque de me tromper, que l’auteur des paroles passera à la postérité et sera étudié dans les écoles ! Pas si fréquent de nos jours. Mais il serait dommage de se limiter pourtant aux textes, tant les compositions, arrangements et interprétations sont également de haute volée.

Derrière le nom du groupe (du projet ?) se dissimule Florent Vintrigner, connu des amateurs pour être le chanteur de la Rue Kétanou. Il est l’auteur de toutes les musiques et assure au banjo, à la guitare, à l’harmonica et à l’accordéon. Il est aidé dans sa tâche par deux complices pas manchots, Benoît Laur (programmations et batterie essentiellement) et Arnaud Viala à la réalisation.

Ce trio de pointe a décidé de s’attaquer au monument de la littérature française qu’est Victor Hugo. C’est que le romancier immortel est l’auteur également de nombreux ouvrages de poésie, source d’inspiration occasionnelle de maints cadors de la chanson française : Serge Gainsbourg (La chanson de Maglia), Georges Brassens (Gastibelza, La légende de la nonne), Henri Tachan ou Pierre Perret (pour le célèbre Demain dès l’aube), Claude Nougaro (Chanson de pirates), Julos Beaucarne (Je ne songeais pas à Rose)… Sans demi-mesure, c’est un disque entier que la Green Box lui a consacré. Douze poèmes mis en musique dans le respect du texte initial : pas de vers isolé pour en faire un refrain, pas de trituration du texte – juste parfois un élagage pour l’amener à une durée raisonnable. Douze chansons qui nous permettent de nous rendre compte combien l’auteur des Misérables est un redoutable manieur de vers, à la musicalité affirmée. Oubliée l’image du grand écrivain romantique qu’on n’approche qu’avec le respect dû aux intouchables : Hugo se révèle d’une actualité saisissante.

Comment en effet ne pas être frappé par Le voile, triste récit d’une musulmane assassinée par ses quatre frères pour avoir par accident perdu son voile et montré son visage à un étranger ? Ou par Une nuit à Bruxelles, poème où Hugo se met en scène lui-même et nous narre le récit d’une nuit de cauchemar, quand une foule partisane avait assiégé sa maison bruxelloise pour lui faire un mauvais sort ? Ou encore par l’animalier Dans le cirque, dialogue dans l’arène entre un lion et un ours, contraints de s’entretuer pour le bon plaisir de l’empereur ? Intolérance, fanatisme, lutte des classes… Autant de thèmes trouvant toujours écho en notre époque finalement pas si moderne.

Mais Hugo, c’est aussi le plaisir de goûter un vocabulaire fastueux (sortez les dicos : il sera question au fil des poèmes de belluaire, de hallier, de klephte, d’odalisque ou de giaours…), de se laisser transporter par la force des images (« Alors s’en vont en foule et sultans et sultanes / Pyramides, palmiers, galères capitanes / Et le tigre vorace et le chameau frugal / Djinns au vol furieux, danses des bayadères / L’Arabe qui se penche au cou des dromadaires / Et la fauve girafe au galop inégal »), de respirer le souffle puissant d’un géant lyrique, de partager la colère d’un pamphlétaire ou de savourer la délicatesse d’un père attendri… Les auteurs sont allés puiser avec discernement dans la vaste manne à leur disposition et ont fait moisson de textes aux sujets variés, unis entre eux par une langue sans pareille.

Cette magnificence d’écriture est rendue accessible à toutes les oreilles par l’excellent travail de Florent Vintrigner. Le compositeur a emmené Hugo sur les chemins d’un folk moderne, où le banjo se mêle aux machines, les guitares aux percussions oppressantes, les ampleurs cinématographiques aux sonorités orientales… L’union sacrée de la poésie classique et des rythmes contemporains. Ajoutez-y son chant clair – assisté sur un morceau par Eskelina – et sa diction parfaite, mélangez le tout et vous obtiendrez un disque riche en substance et brillant dans la forme.

Victor Hugo aurait dit un jour – la citation serait apocryphe – « Défense de déposer de la musique le long de mes vers ». Nul doute pourtant que l’écoute du CD de La Green Box l’aurait fait changer d’avis.

 

La Green Box, LRK Productions, L’Autre Distribution, 2018. Le site de la Green box, c’est ici.

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Une réponse à La Green Box : l’Hugo frais

  1. Michel Kemper 13 juin 2018 à 10 h 41 min

    La phrase est apocryphe et fausse. Victor Hugo n’a pas interdit qu’on dépose de la musique aux pieds de ses vers. Wikipédia nous informe que : « Chaque année Hugo recevait de France ou de l’étranger des centaines de demandes d’autorisation pour mettre ses poèmes en musique. Elles étaient acceptées à condition de limiter le nombre de poésies à trois et de reverser les droits d’auteur aux nécessiteux. Il écrivit aussi un livret extrait de Notre-Dame de Paris qui donna lieu à un opéra La Esmeralda, créé en novembre 1836 : ce fut un échec. »
    D’autre part, Hugo fut fut le premier président d’honneur du « Caveau stéphanois », société chantante et union poétique du Forez fondée en 1883

    Victor Hugo a été mis en musique et chanté entre autres par Georges Brassens, Julos Beaucarne, Colette Magny, Malicorne, Pierre Bensusan, Gérard Berliner et Serge Reggiani.

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