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Daran, l’air, la résignation et la colère du temps

a2876169113_10« J’ai rien vu venir pourtant j’aurais dû m’en douter / Après la fermeture de l’école et celle de l’hôpital / Mais j’ai rien vu venir j’ai pas vu l’horizon se boucher / Ils avaient déjà fermé depuis longtemps les usines / Et le centre commercial / On allait être abandonnés… »

Souvent me revient en tête la déclaration récente du programmateur d’un festival d’importance, se lamentant qu’il n’existe plus (à ses oreilles, je suppose) de chansons engagées. Ah bon. Faut-il en réponse que je bourre ses écouteurs de telles chansons, puisées dans l’actualité scénique et discographique du moment ? Et particulièrement dans les plages du dernier Daran, notre français devenu québécois qui, tous les deux ans, nous envoie un nouveau disque comme moi j’enverrais une carte postale. Je ne sais si ce que chante Daran est lié à l’exercice du premier ministre Justin Trudeau, moi j’y vois celui d’Emmanuel Macron, nouveau président des riches pour qui ceux qui ne le sont pas ne sont rien : « Je cherche une rime avec pauvre / Une rime riche si possible / Mais pauvre ça rime à rien (…) C’est leur destin / Aux pauvres / De ne rimer qu’avec eux-mêmes (…) Alors que riche ça rime avec tout / Riche ça rime avec triche / Avec fortiche / Avec golf dix-huit trous / Avec industrielle friche / Avec bakchich et gros sous ». Bien sûr l’engagement ne se résume pas à une chanson, une seule. C’est une façon d’être, d’observer le monde, de la restituer avec un regard critique, constructif, c’est avec acuité être chroniqueur de son temps, de la vie qui chaque jour se détériore, se désespère sans qu’on ait possible prise. C’est faire le travail de cette presse qui ne le fait plus ou si peu, c’est retrouver la fonction sociale de la chanson, c’est interpeller.

« On sera jamais que des plantes en pot / Des papillons sans ailes / Des ex-rebelles qui paient des impôts ». Il y a plus que jamais de la violence dans les propos de Daran, comme une violence longtemps contenue qui déborde, la goutte d’eau qui fait déborder le vase. L’impuissance dans laquelle nous tiennent nos Etats, le déni de tout et de nous-mêmes, ces dieux qui foutent la guerre (« Son dieu c’est Chepaki / Elle dit / Et il habite on sait pas où / Elle dit / Et puisqu’il n’existe pas / Un dieu qui fout la paix aux gens / La paix tu comprends »), l’état de nos forces sous endorphine, tout fait colère, soubresauts. Qui feront un beau jour on ne sait quoi, quelle révolution, dès qu’on touchera la zone rouge (cf pochette).

D’abord calme, presque reposé mais à la voix plaintive, longue mélopée électrique que parfois secoue la batterie, le son de ce disque explose à la manière du trop plein, d’une saine et utile révolte. A l’écoute on songe parfois à l’art et la colère de Romain Dudek. Il vous faut écouter cet album – son dixième-, qui capte mieux qu’un autre l’air du temps, de cette faim, de cette fin. Un album qui chante beaucoup ce que nous taisons, pour l’heure résignés.

 

Daran, Endorphine, Le Mouvement des marées 2018 (CA). Le site de Daran, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

Les endorphines sont des hormones sécrétées par des glandes cérébrales, l’hypophyse et l’hypothalamus, et présentes dans de nombreux organes dont le cerveau et la moëlle épinière. Ces hormones ont des effets proches de la morphine utilisée comme médicament antalgique. Elles sont émises dans des moments d’effort physique, d’excitation intense, de douleur, ou d’orgasme. Les endorphines agissent sur la douleur en se fixant sur les récepteurs morphiniques situés dans le thalamus au niveau des centres régissant la douleur. Elles provoquent une sensation de relaxation, de bien-être, voire dans certains cas, d’euphorie. (Wikipédia)

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