Samuel Covel, le choc des mots, la force des sons
Il y a du Villon, du Brassens, du Caravage dans ce jeune artiste héraultais. Ses chansons sont intemporelles, et sa voix a la chair et le parfum de la garrigue. Celui des argeiras dont la couleur solaire et la suave fragrance n’ont d’égal que le piquant de leurs épines.
Voyageur, musicien guitariste, il a touché à toutes les musiques, rock, folk, blues, jazz, latino ou tsigane qui lui ont donné une parfaite aisance, tant dans le riff énergique que dans l’arpège dentelé. Mais c’est avec ses seules guitares acoustiques que sont enregistrées ces chansons dans une épure riche en nuances.
A elle seule Les roses est profession de foi, symbole de cet album court en durée mais riche en contenu : « A l’horizon des temps modernes / S’enfuient sans cesse à perdre haleine / Des paradis qui sonnent creux / L’un est l’âtre et l’autre le feu / Quand la poussière te démange / Vient t’allonger sur l’herbe étrange / Sous l’arc-en-ciel majestueux ».
C’est dans les grands espaces du Larzac que Samuel a été respirer cet air âpre, cette lumière qui font vivre ce chant de troubadour occitan. Ancré aussi dans la contemporanéité d’un Bashung, d’un Leprest, d’un Nougaro auquel son articulation soutenue peut faire penser.
Il sait transcender les réalités triviales pour recréer des légendes contemporaines mythiques. Ces sirènes « Femmes à queue de poisson, à la langue saline » qui s’ennuient à Aberdeen surgissent de la ville de granit gris à l’antique passé celte, désormais industrielle. Comme à Brel son port d’Amsterdam, ce décor génère une ambiance plus sombre encore, dans un rock profond. Un lyrisme tragique où les éléments se font troubles sentiments : « Leurs serments de papier s’envolent des montagnes / Où grimpent les amants comme au mât de cocagne / J’aimerais leurs cris bleus / Et leurs yeux mugissants / Qui crachent leur écume à la gueule du vent ».
Dans cette mélodie qui tourne en boucle il égratigne notre vie contemporaine : « En empoignant le sceptre et la loi du Talion / Nous avons oxydé la plupart des idées qui méritaient de vivre ». Le jugement est sans appel, la langue acérée dans ses raccourcis saisissants, des mots, des sons que seule cette articulation parfaite lui permet de maîtriser : « La peur comme une science qui étrangle l’étrange encrier à chansons ». Seul salut, la nature… « la folie qui rampe dans nos bulles ».
Tout Rimbaud et Villon se retrouvent dans les vers âpres, d’une tragique intensité, de ces Amis squelettiques, « Sifflons rots granuleux de rocaille de menthe / La nuque de raideur et le palais au frais / La boîte à dents qui braille et le gosier qui bande », bateau ivre où vous vous noierez dans les accents apocalyptiques d’une guitare qu’il arrive à faire sonner comme un orchestre complet. Quelle économie de moyens pour un tel résultat !
Il manque une chanson d’amour me direz-vous ? Vous avez Daphnée, qui ne peut être que plus funeste encore. On y retrouve le romantisme échevelé d’un Fussli, d’un Beardsley, remplaçant le pinceau par une plume dont les barbes seraient des épines. Il la chante a cappella dans une intensité dramatique qui vous fera délicieusement trembler… « Daphnée, cambre toi si tu peux aux parois de la chambre / Toutes voiles dehors, toute nue et cinglée / Nous cinglerons ensemble vers des soleils couchés »
Mue imaginale, album autoproduit 2018. C’est aussi un instrumental, tout en finesse et notes ciselées, une respiration au cœur de l’album. Et un portrait bleu de calme et de fureur en couverture, par l’artiste Martin Cauvel.
Actuellement en tournée de concert, en mai 2018 en Limousin, Dordogne, à Avignon, le 25 et le 26 mai au Hublot à Aix-en-Provence…
Le site de Samuel Covel, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
Rétrolien Pézenas | Exposition Martin Cauvel à Les Loges des Vignes - IDHERAULT.TV
Rétrolien Mascarade- le 6 juin- Samuel Covel – LE LIEU