Rue de la Muette : arrêt sur images
L’album suivant, au titre de Novembre, attendra bien jusqu’à l’automne ou plus ; le temps est venu, au bout de six albums, d’une première compilation, un peu comme un inventaire, une restauration. Car remixer n’est pas jouer, et Patrick Ochs, le charismatique créateur et meneur de Rue de la Muette, après en avoir sélectionné les titres, s’est mis en tête de les rejouer avec l’énergie d’aujourd’hui, parfois même avec des textes recomposés à cet effet. Des recréations, en fait. Ça et son lot d’inédits (Veuillez rester à votre place, Madame Irma, Ce qu’on dit de toi), ni trop ni trop peu, pour ne pas empiéter sur l’album à venir. Telle quelle, cette compile, atteste d’un moment d’histoire, d’histoires aussi, une époque passée, révolue, qui forcément précède celle à venir. Partenaires, tel est son titre, parce qu’aucun disque, aucun des spectacles non plus, ne s’est fait seul. Mais méfions-nous, Partenaires est aussi le titre d’une des quinze chansons, qui veut dire toute autre chose, nous parle d’obsolescence, de gens qu’on vire : « tirez-vous, sortez du rang, vous coûtez trop chers » comme le lucide photo-maton de notre monde d’aujourd’hui…
Une page se tourne dans l’histoire de Rue de la Muette, d’un très beau livre. Dont il est agréable de feuilleter, même si la mise en plage diffère quelque peu.
Rue de la Muette, c’est Ochs, un type entré sur le tard dans la chanson. Avec une voix improbable, a priori pas faite pour la chanson. Une voix cassée, un cendrier. Tout pour ne pas susurrer l’amour. Qui pourtant vous charrie des émotions comme mille, vous projette des images, des situations, des histoires parfois épouvantables, des drames… ça fait souvent vieux films expressionnistes, en noir et blanc colorisé, des décors à la Trauner. Des mots déchirants posés sur des vies, les nôtres, les leurs. Tout ici est dans les nuances du sombre dans lesquelles vont se nicher, on ne sait comment, non forcément de l’espoir mais de l’humanité, ce qui est la même chose.
Rue de la Muette, c’est aussi cette chanson, La Muette à Drancy, sur cette cité de la Muette, en région parisienne où durant la guerre il y avait ce camp d’internement, antichambre des camps de la mort.
On n’écoute pas Rue de la Muette distraitement comme on le ferait du premier produit radiophonique venu. On entre chaque fois, à chaque titre, dans une histoire, un scénario, une ambiance, une errance… Des fictions et parfois un peu, à la commissure des mots, au bord d’un rictus, des vrais morceaux de vie, parfois d’autobiographie.
C’est de fait l’album le plus beau, le plus riche de Rue de la Muette, le « meilleur de », riche compile. Porte idéale qui s’offre à qui a la folle audace d’en franchir l’entrée, de découvrir cette œuvre qui est une des plus riche et foisonnante de la chanson actuelle. Et découvrir c’est résolument l’adopter.
Rue de la Muette, Partenaires, Mistiroux productions 2018. Le facebook de Rue de la Muette, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.
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