Les Polis Sont Acoustiques, chanson française complètement à l’ouest
Les polis Sont Acoustiques, Centre de vacances CCAS des Saisies, 26 mars 2018,
Il y a des fois où même en vacances, le travail vient à vous. C’est donc en Centre de vacances que j’ai découvert ce trio décapant que je ne connaissais pas encore. Imaginez trois mousquetaires de la chanson. Sylvain Braconnier, très grand, cheveux longs et bouc, des jambes qui n’en finissent pas et un petit embonpoint, qui lui donnera l’occasion d’interpréter Qui c’est celui-là de façon très crédible, ce serait Porthos. C’est un chanteur à la belle voix de baryton si je ne m’abuse, c’est aussi le batteur du groupe, ce qui n’est pas une distribution des plus courantes. Comme ses comparses il utilise toutes sortes d’instruments, dont la Planche à laver ou Washboard – instrument de percussion de la musique cadienne utilisé dans la jazz New Orléans – l’harmonica, le tambourin, l’ukulélé…
Son frère Vincent, plus petit, mince, cheveux courts et sourire moqueur, est à la contrebasse, où dans les airs les plus rocks, à la basse. Alex Gautron fait le reste : guitares en tous genres, électriques et acoustiques, hawaï steel guitar qui se joue à plat, et synthé. Et tout le groupe chante en chœurs, en ligue et en procession !
Le trio viennois (version Poitou, pas Autriche) a commencé sa carrière 24 ans plus tôt, avec un autre guitariste malheureusement disparu, dans un répertoire de reprises des plus grands de la chanson française : Brel, Brassens, Nougaro, Moustaki, Gainsbourg, Le Forestier… qui leur servent d’auteurs de chansons. Pour la musique, ils s’en chargent, en en faisant des arrangements très personnels bien que respectueux. En première partie de Tri Yann, Têtes raides ou les Bodin’s, ils ont vite été appréciés et nous avons compris pourquoi.
Les Polis, c’est un subtil combo de réveilleurs de conscience, d’illuminateurs de bonheur, d’agitateurs de zygomatiques, et d’étinceleurs de gambettes. Jamais fatigués, ils mettent en scène les chansons pour en faire des ponctuations de l’actualité, toujours prêt à lutter contre les injustices qui les révoltent, évitant par leur humour et leur rythme l’écueil de la chanson-engagée-appuyée plus proche du pamphlet que de la poésie.
Leur répertoire est une vraie revue de la chanson sous tous ses aspects, et leurs ambiances musicales sont tout aussi variées. Le country-rock domine : ils ouvrent sur Et si en plus y’a personne, tout droit issu d’Il était une fois dans l’Ouest, sifflement mélodieux, rythme de train, ponctué d’angélus célestes. Tandis que Foule sentimentale est un vrai blues, avec de belles impros rock.
Mais ils s’aventurent aussi du côté du jazz, de la chanson trad et de la musique africaine, sans dédaigner la chanson proprement dite ou la berceuse .
Celle-ci, présentée comme une chanson pour enfant, s’avère critique de la politique européenne en Grèce : « L’argent trop cher, trop grand, la vie n’a pas de prix » et s’achève en sirtakis.
A moins que la reprise de Anne, ma sœur Anne de Chedid n’utilise le rythme mexicain pour dénoncer les idées de « Donald Trompette » et son projet de mur, ces idées qui reviennent et pas les bonnes.
Quand ils s’attaquent à des sommets comme Le Déserteur, c’est en le remettant à plat, lu sans emphase, puis chanté à la guitare hawaïenne, donnant à cette chanson pacifiste un aspect doux et mélancolique qui lui va bien.
Le groupe aime aussi exhumer des pépites moins célèbres (ce sera la seule interprétée à l’origine par une femme), occasion de rendre à France Gall son humour innocent et son rythme jazz : Les gens bien élevés fait scater un public très pro, enchaînant sur une superbe imitation d’Amstrong, pouffant sur les mots mots cachés à deviner : « Il m’a laissée tomber à l’eau / C’est un beau petit… / D’autant plus qu’il est naturellement parti / Avec ma meilleure amie / Il l’appelle son petit lutin / Mais c’est une jolie… »
Depuis peu Alex les entraîne aussi sur la voie de la création. Certains titres sont purement dans la dérision – Hamburger raille la malbouffe dans un registre de clown Auguste : « Depuis gamin on l’a dans le corps son steak / Son clown on le kiffe à mort / On est accro du proxénète Coin Coin » mais sa conclusion est plus subtile : « Eh ! Crise cardiaque à 50 ans, on notera dans not’testament / Qu’on paye la bouffe à nos copains…dans un resto du guide Michelin ».
Tic Tac est une critique de tous les pouvoirs, politiques, ecclésiastiques, scientifiques – qui ne méritent que « Le goudron et les plumes » – et leurs manipulations : « Tactique, tactique ». Sur de doux chœurs angéliques qui font penser à ceux de Parité mon Q, il leur sera facile de faire répéter les onomatopées au public en une salutaire libération, jusqu’à « r’trouver la raison »
La plus ambitieuse de ces créations est sans doute Tirailleurs qui allie un texte bien senti : « Une armée de couleur / De jeunes lions tirailleurs / L’étendard ensanglanté est lavé ! » à une mélodie africaine entêtante et rythmée très évocatrice.
L’esprit brassenien flotte sur le groupe, qui reprend aussi un Gorille dans un rock total déjanté, et nous parodie un bal du 14 juillet, véritable performance musicale qui tient du happening, avec bagarres et danse populaire « en France, dans nos villages, 14 juillet, que du bonheur ! »
Si votre chemin rencontre ce groupe, habitué des centres de vacances et des Festivals en plein air, n’hésitez pas à leur emboîter le pas, c’est une cure de jouvence et d’intelligence. On laisse la conclusion à Arno : « La vie est belle, chic et pas cher »
Le site des Polis sont acoustiques, c’est ici. Ils seront le 19 avril à 18 h au restaurant Ôtre Dimension de l’hôtel Ibis de Chasseneuil, site du Futuroscope (86), et le 25 et 26 mai à l’Espace V à 20h30 à Lusignan (86).
Buridane à la CCAS, c’est là.
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