Festival des Chansons fraîches. Les voyages de la belle Hélène Piris
7 avril 2018, Festival des Chansons fraîches, Cosmopolithèque de Béziers,
Ce n’est pas que le courant ne passe pas. C’est l’électricité qui se joue de l’intermittence, de l’alternatif… De fait on fait en acoustique. Vu la jauge de la salle, c’est plus réaliste et précieux. La Lyonnaise Hélène Piris est en scène, au chant et au violoncelle : à ses côtés Oriol Martinez Codinachs, à la guitare électrique. Complicité. Il y a ces mains et ces bras qui parlent abondamment, ce visage anguleux et fin, troublant, boule à presque zéro qui accentue plus encore la finesse, en harmonie avec celle du propos.
Jeux de piste et départ immédiat dans l’espace et dans le temps. « Ô ma belle Phocéenne… », un premier repère, déjà une rive de la Méditerranée, sur des rythmes qui appellent au voyage, rêves de marin… Hors l’amour et cette rencontre de celui qu’elle aime, qu’elle chante avec toujours le même enthousiasme, Piris est en constante recherche. D’un territoire, du passé, collectif et familial. De racines qui pour certaines s’enfoncent dans le sol de la Drôme, Entre la garrigue et la centrale nucléaire. D’autres plus lointaines, au bled. Emotions d’un passé recomposé, souvenirs diffus, contrariés, en partie estompés, que scinde la grande bleue. Mais « l’Algérie coule dans mon sang »… Ne chante-t-elle pas Les montagnes de l’Atlas comme pour, fille d’exilés, non d’ailleurs pour y retrouver les reliefs de l’enfance, mais questionner l’Histoire, « lui demander comment c’était » cette guerre.
« Alors j’ferme les yeux pour m’enfuir d’ici ». C’est un parcours intérieur, retour sur soi, forcément intime, que, nous prenant à témoin, elle réussit à nous faire partager. Les notes, prélevées ici, captées là, toujours dans le spectre des couleurs du Sud, sont pour ce périple un précieux véhicule. On voyage. Mais « Qu’est-ce qu’on fait après / Quand on a fait le tour du monde ? »
Rien que de la finesse, du précieux, tant dans les notes que dans ces mots qui, mis bout à bout, font son et sens. Qui tous attisent notre curiosité, nous suggèrent des paysages, des situations, parfois nous interpellent. Bien sûr, tout ne vise pas les grands horizons : le quotidien, même les journées de merde y sont. Dans cette vie, des portraits comme celui, en Ombres chinoises, de deux amoureux. Pure dentelle.
La scène sur laquelle joue Piris nous semble être intéressant format pour l’empathie, la complicité. Pour de tels aveux. Comme un espace où on peut tout se permettre, d’autant plus qu’Hélène Piris n’est pas étrangère à l’humour qui se niche autant au creux de ses vers que de ses présentations.
Dans ce monde de la chanson où il y a, on le sait, pléthore d’artistes, il est possible d’être semblable à beaucoup d’autres. En conséquence de passer inaperçu(e). Hélène Piris est de celles qui ne ressemblent à rien, à personne : on ne risque pas de la confondre. Par son physique, oui. Par sa façon d’être et de chanter, le timbre si joliment dentelé de sa voix. Et ses chansons qui empruntent d’autres voies encore, autres parcours, autres destinations. Forcément, ça nous la rend unique.
Rappel en solo, corps à cœur avec l’instrument sur des effluves jazz. « J’suis toujours dans la salle de bains… » chante-t-elle. L’argument est fragile, sur le fil, et ne tient qu’à la grâce de l’artiste. Qui n’en manque pas. Je maintiens : c’est agréable voyage par elle, avec elle.
Le site d’Hélène Piris, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.
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