Festival des Chansons fraîches. On veut revoir le Normandin !
7 avril 2018, Festival des Chansons fraîches, La Cosmopolithèque à Béziers,
Qui saura faire taire Steve Normandin, l’empêcher de chanter, n’est pas encore né. Sauf peut-être l’horaire d’un train, denrée rare en ces temps de grève, de disette. Comme quoi on peut brider la voix de notre Québécois : avec la SNCF c’est possible.
Normandin, on le surnomme le juke-box de la chanson. Nul autre que lui, sans doute, en sait autant, par corps et par cœur : par lui Coko, son hôte, a trouvé son maître. Maître chanteur il va sans dire.
Physiquement, Normandin en impose, ample et baraqué, épaules et accordéon qui s’étirent d’un même mouvement pour mieux épouser les mélodies. Casquette vissée, imperturbable, qui signe et parachève le singulier portrait du chantiste. Là, je parle de la carrosserie ; que dire de son coffre qui n’a d’égal que Caruso ou Rebroff…
L’est désormais breton, le Normandin, mais c’est son lointain pays qui le hante : « Mon pays ce n’est pas un pays / C’est l’hiver ». Si en lui brûle comme un soleil, c’est cette neige qu’il a fui qui peuple ses souvenirs et parfois ses chansons. « J’aguis l’hiver. Maudit hiver. Les dents serrées, les mains gercées, les batteries à terre. J’aguis l’hiver. Maudit hiver. Chez nous l’hiver, c’comme le hockey. Y a des finales jusqu’au mois d’mai. »
A deux titres près, tout chez lui n’est que reprise. Il aime valoriser le patrimoine, le dénicher dans les recoins de notre coupable oubli, le faire vivre, qui plus est avec superbe. Capable et coupable d’audaces qui à elles seules entrent de facto dans l’anthologie de la chanson : de sa seule voix il reproduit à l’identique un 78 tours grésillant et rayé lu sur un gramophone. Désopilant mais vrai, Normandin est aussi bruiteur que chanteur. Autre fait d’armes, coup d’éclat, il nous chante La Bolduc dans Tout l’monde a la grippe, interprétation éternelle et éternuante à souhait : les postillons du nez c’est pour celles et ceux du premier rang, les bactéries rient !
Des trésors chantés, il aime à exhumer des chansons d’amour d’hommes (il en a nourri tout un album) : là, ce sont Pierre Louki avec Du côté de la rue des saules et Le Bel Hubert avec La fille du tracteur, « son érotisme un rien cruel / Et l’odeur du moteur diésel ».
Steve Normandin semble aimer plus que tout la chanson réaliste, souvent teintée d’autobio et de mélo, que l’air du temps a reléguée à un passé révolu. Ça fait fresques amoureuses ou sociales, parfois les deux, tranches et tronches de vies où chacun fait tantôt l’apprentissage du bonheur, tantôt celui du malheur.
S’il ne chante pas, il entend quand même de loin siffler le train : « Prévenez-moi, je suis inrétable ! ». Une chanson pour conclure, une autre pour le rappel de rigueur. Pas le temps de vendre ses disques, il quitte la scène sous les ovations avec sandwichs et bagages, rompant ainsi la monotonie, le train-train des adieux. On le regrette déjà : il est vraiment trop bon, le Normandin !
Le site de Steve Normandin, c’est ici : ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Nous reviendrons dans les jours prochains sur nombre de concerts de ce Festival des Chansons fraîches. Festival qui se poursuit aujourd’hui dimanche 8 avril 2018 au Théâtre de pierres de Fouzilhon, pour un hommage à la chanteuse Barbara Werldens, à 16 h 30.
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