Denis Rivet, en attendant le dégel
La voix et la tonalité du lyonnais Denis Rivet ne sont pas sans rappeler celles de Cyril Mokaiesh. Nul doute que leurs bibliothèques doivent aussi être pour partie commune. Ça et leurs désirs de voyages : « Québec, Houellebecq / Vegas, Vargas / Bruxelles, Hessel / Carnac / Kerouac / J’ai beaucoup voyagé ». Pour l’heure, Denis Rivet est rivé, là, dans le permafrost, sol gelé à moins de zéro : « Ici, la vie est rude / J’en ai prix l’habitude / J’aime ces terres arides… » Ce demi-album (définitivement je n’aime pas le terme d’ep) sent néanmoins moins le froid que les vastes étendues, les paysages. Encore que, la bise étant venue, la lecture n’est pas unique : « Ton cœur est une terre gelée / Permafrost / Un endroit où on ne peut aller / Permafrost / J’en ai vu qui s’y sont jetés / Permafrost / Mais qui jamais ne revenaient ».
On peut comparer l’art de Rivet à cet autre grand blanc de Moran ou ces volcans éteints de Murat. Le creuset n’est pas si différent : « Tout me revient et je me souviens / Le chemin près du lac / Le détour par le parc ». L’espace, la solitude, le temps qui forcément s’écoule différent. Le temps qu’il faudra aussi à l’amour : « Nous partirons d’ici quand nous aurons tout essayé / Quand nous aurons tout lu / Quand nous aurons tout vu et tout écouté ». Ce nouvel opus, pop-rock, de l’ancien chanteur et guitariste des groupes Le bruit des touches et King-Kong vahiné s’écoute sur deux pistes, le paysage des sentiments n’étant pas le moindre des visuels. Ici c’est le printemps qu’on attend, le dégel du cœur et la chaleur qui anime les corps. Six titres qu’on ne saurait séparer, isoler, tant ils se tiennent comme la glace colle aux doigts. « Dans l’eau glacée des torrents / Aux bords brûlés des volcans / Bien après et bien avant / Je t’attendrai ».
On sera d’autant plus surpris, à l’écoute de cet album, à quel point Denis Rivet est homme-orchestre. Il fait tout, paroles musiques voix et chœurs c’est entendu, mais joue aussi de tous les instruments : batterie, guitares, basse et claviers. Orchestre dont chaque note participe à la dramaturgie du disque, magnifie les paysages et réchauffe les cœurs.
Un très bel album.
Denis Rivet, Permafrost, Anthropoïde 2018. Le site de Denis Rivet, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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