Le deuxième souffle de Melvil
C’est comme les bons points de la Communale : pour dix vous aviez une image. Lui, Tony Melvil a gagné l’estime des gens et en conséquence quelques EP. Logiquement vient l’album, le premier, le vrai (cinq des onze titres de cet album proviennent de précédents EP). Celui qui pourrait être – on le lui souhaite – son accélérateur de carrière. On connaît Tony Melvil comme un sérieux huluberlu, un incongru surréaliste, une île flottante à lui tout seul. Qui l’a déjà vu en scène le sait et s’en souvient.
Incongru ? A moitié ! Et ça dépend où on vit, d’où on vient, dans quel état j’erre. Les étatsuniens apprécieront diversement voire censureront Le tango des armes à feu, une chanson même pas financée par le NRA : « Dieu n’a pas inventé le feu / Pour se brûler les doigts / Pour réchauffer les amoureux / Mais pour qu’on ait le droit / D’avoir une arme à feu / Que c’est beau même à froid / J’adore les armes à feu / A l’envers à l’endroit (…) Qu’on nous donne le droit / D’avoir un fusil chez soi ». Les prisonniers français, à l’étroit dans leur geôle, apprécieront en connaisseurs le 3 m2 : « 3m² je cogne ma tête dans ce miroir / Un peu de sang, de la couleur dans ce mouroir / 3m² la folie a raison de moi ». Les réfugiés, de Palmyre (superbe chanson !) ou d’ailleurs : « Tout me renvoie / A la frontière je me noie / Même la mer n’a pas voulu de moi / Comment voulez-vous / Un migrant de plus / Un réfugié à l’eau / Ici y’a plus de place / Je te paye le bateau / Si tu rentres chez toi ». Les veaux, vaches, porcs et moutons, les humains aussi se réjouiront de revivre leur sinistre condition dans un Wagon à bestiaux. Et les vieux ? Sans doute ému de la surpopulation mondiale, Melvil leur enjoint de mourir : « Ça fait trop longtemps que ça dure / Va falloir céder sa place / Faut y’aller ça y’est c’est l’heure / Mourez, mourez les vieux / On ne peut plus accepter / L’odeur de la naphtaline / Vos pantalons tâchés d’urine / A la garden-party de l’Elysée ». Les vieux, inclus bien sûr les soixante-huitard et nos amis les chanteurs pour qui « elle est de trop cette tournée ». Et les militaires : « Oui, quand on est trop con / On peut toujours finir soldat… »
La facétie qui fait l’image, la réputation de Tony Melvil n’est souvent qu’un paraître, un emballage de paquet cadeau, la vaseline pour introduire des textes bien plus forts qu’ils ne paraissent, puissants même. Aux mal entendants qui déplorent la disparition de la chanson engagée, suggérons-leur entre autres l’écoute de Melvil : son art, une chanson folk qui vire rock, y est aussi engagé qu’engageant. Grave mais réjouissant. Il suffirait de presque rien pour qu’il soit populaire. Tony Melvil est de cette relève, rose qui vient d’éclore. Que, toujours, elle garde ses épines.
Tony Melvil, La relève, at(h)ome 2018. Le facebook de Tony Melvil, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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