Le sceau de l’Ange
Verviers, le Spirit of 66, 9 mars 2018,
Estampillé « plus vieux groupe de rock français », Ange a fêté dignement ses 48 ans par la sortie d’un nouveau CD. NosEnchanteurs n’ont évidemment pas manqué de vous en parler il y a quelques jours (voir ici). La formation reprend à présent la route pour une tournée à long terme, annoncée dans un premier temps comme étant la dernière (mais que les fans se rassurent, cela ne serait pas avéré !).
Ange en 2018, ce sont 4 musiciens : Benoît Cazzulini à la batterie et aux percussions, Thierry Sidhoum à la basse, Hassan Hadji à la guitare, Tristan Décamp aux claviers. Tous orfèvres en leur matière. Ces jeunes pousses – c’est relatif ! – entourent le patriarche, le seul, le vrai, l’unique, la pierre angulaire du groupe depuis ses origines, le mastodonte Christian Décamp, 72 ans aux prunes.
Le club belge qui les accueille ce soir, Le Spirit of 66, est spécialisé dans les groupes de blues et de rock tendance seventies. C’est peu dire qu’Ange y a son rond de serviette. La salle – pas énorme – est comme à chaque fois bondée à craquer et l’ambiance est électrique. Le public ? Pas vraiment des jouvenceaux, on s’en doute, mais des quadras-quinquas et plus, dont la plupart ne viennent pas uniquement assister à un concert, mais bien revivre la grand-messe de leur jeunesse. Officiant vénéré, grand gourou en redingote et haut de forme, comédien-cabot et interprète habité, Christian Décamp est tout cela à la fois. La voix forte, le geste économe, la présence théâtrale, le sourire complice. Un chanteur, madame. Un vrai. Un comme on n’en fait plus !
Alors bien sûr, Ange en 2018, ça ne transpire pas la modernité. Pas question ici de boucles électro, de samples ou de passage en rap. Depuis ses débuts, et pour longtemps encore, le groupe donne dans le rock progressif. Des morceaux amples, grandiloquents et complexes, où les claviers se taillent la part du lion et où les longs passages instrumentaux n’ont d’égal que les paroles ésotériques teintées de poésie cosmique, que fuiront à toutes jambes les esprits rationnels.
On s’en doute, si le public est venu en masse, c’est moins pour découvrir de nouveaux morceaux que pour réentendre une nouvelle fois des extraits des mythiques albums Au-delà du délire, Le cimetière des Arlequins et autres Emile Jacotey… Le concert satisfera cependant tout le monde. Les férus de nouveauté apprécieront, en ouverture, L’autre est plus précieux que le temps, et par la suite, Heureux ou Chante n’importe quoi. Les nostalgiques, eux, se régaleront des Aujourd’hui c’est la fête chez l’apprenti-sorcier (1973), Ballade pour une orgie (1974), La Gare de Troyes (1983) ou, beaucoup plus rare sur scène, Les lorgnons (1980). Les incontournables Vu d’un chien (1980) et Quasimodo (1997) seront évidemment de la partie, avant le final qui mettra tout le monde à genoux, un Capitaine Cœur de miel (1978) d’un bon quart d’heure. Quoi ? Ils n’ont pas joué Ces gens-là ? Ben si, mais je ne voulais pas déflorer le rappel…
En tout, pas loin de 2 heures de concert pour une petite quinzaine de morceaux. C’est que chaque chanson ou presque est étirée, pour laisser place aux solos de guitares virtuoses et ahurissants de Hassan Hadji (qui officie par ailleurs dans un groupe de reprise de Jimi Hendrix, quoi d’étonnant ?) ou aux longs passages aux claviers (comme m’a soufflé mon voisin sur un de ces moments : « Pink Floyd, sors de ce corps ! »), voire pour permettre au public de chanter. Démodé tout cela ? Disons plutôt intemporel. Et d’une force de frappe demeurée intacte.
La cérémonie terminée, chacun regagnera ses pénates, le sourire aux lèvres. Si Ange est immortel, pourquoi pas nous ?
Le site d’Ange, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de ce groupe, c’est là.
Commentaires récents