Thierry Desseux, une si longue histoire d’amour
« Je n’ai pas eu la vie d’artiste qui hantait mes rêves d’enfants / Lorsque battaient mes ailes tristes / Sur les épaules d’un géant / Je n’ai pas eu la vie d’artiste / Dont je rêvais à quatorze ans / A peine un ou deux tours de pistes / Dans mes yeux de singe savant ». Bien sûr on pense à Aznavour et son Je m’voyais déjà. Pourtant le chanteur nivernais ne regrette rien, il a tout eu. Et pour l’anecdote le Grand singe aux yeux si humains qui illustre sa pochette (Oeuvre de Péchane) s’est baladé par monts et par vaux tel le nain du père d’Amélie Poulain, au gré des photos prises par ses admirateurs.
Si son nom ne s’est pas affiché en lettres immenses sur le fronton de l’Olympia, il ne s’est pas totalement balancé au néon de l’anonymat : depuis l’adolescence Thierry écrit, des poèmes, des nouvelles, des chroniques d’affaires criminelles qui alimentent les conversations depuis des siècles, quand les passions de la réalité dépassent la fiction. Et des chansons.
Depuis toujours il explore le côté sombre ou mélancolique de l’âme humaine – « L’homme-automne… / Le regard saugrenu et la révolte aphone. », le doute – « Passer sa vie à la rêver / Et rêver jusqu’à en crever (…) Passer sa vie à faire semblant / C’est faire un peu semblant de vivre. » qu’il alterne avec un aspect plus souriant, de l’espoir et de l’humour. Ce qui s’entend aussi dans ses chansons : sa voix agréable, un peu rauque quand elle parle sur les notes dramatiques du piano, devient douce et caressante lors des variations jazz.
Ses compositeurs, Jacky Delance, également au piano, Sébastien Charmot, Pierre Crosnier, aussi à la guitare et à la basse électrique, et Mathieu Bérodier ont déposé leurs notes sur ses mots sensibles et singuliers. L’album est ainsi mélodiquement riche en restant parfaitement cohérent.
Si la dominante de l’album est piano voix, s’y ajoutent violon, trompette et l’accordéon de Jacques Ferchit qui accompagna Barbara, habillant chaque morceau d’une couleur différente.
Ce troisième album, après Comme si de rien n’était (2003) et Villa aux roses (2012), est majoritairement dédié à l’amour. Sensualité innocente où seuls les corps se connaissent : « Après l’amour ils ne sont rien / L’un pour l’autre qu’un doux mystère ». Retour de l’une : « Je ne t’attendais plus / Et j’allais refermer / Le rêve de ma chambre / La porte de t’aimer ». Ou de l’autre : « Laisse-moi rester même sans pardon / Laisse-moi rester même sans raison / Tant pis pour les roses, tant pis pour les roses / Je reviens vers toi ». On pense à Brel. Des trahisons, des chagrins et des espoirs : « Il est parti sur un radeau / Sans mât, sans ancre et sans tonneau (…) Et moi je sais qu’il reviendra / Parce que les chagrins ça se noie / L’homme qui avait un chagrin d’amour ».
L’album comprend aussi deux chansons de 2003 réenregistrées, Jusqu’à vous jusqu’au bout : « Laissez-moi vous donner / Et me donner à vous / Si mon heure a sonné / Laissez-moi donner tout » qui traduit son éternelle quête.
Et La dame de Précy, qui évoque la vente aux enchères à Vendôme des effets personnels de Barbara, suivie par celle, à Cheverny, des objets fétiches de l’artiste. Refilmée autour d’une robe de scène, devant les fauteuils rouges de la Grande Salle de la Maison de la Culture de Nevers, où elle joua en 1973.
Troublante répétition de cette vente de Drouot, écrite et composée par Barbara. L’auteur y fait répondre son dernier vers : « Au milieu de la vente elle avait disparu » à celui de Barbara : « Pas même ce souvenir, aujourd’hui disparu ».
L’album s’achève par un poème dédié à Nusch Eluard, la muse trop tôt éteinte, sur trois notes de harpe et le souffle du vent : « Tu n’es plus qu’un silence à mes tempes pourtant / Et tu erres éphémère sur mon encre éperdue ».
Thierry Desseux, La ballade du grand singe, autoproduit (2017)
Le site de Thierry Desseux jusqu’en 2014, c’est ici. Son actualité est à suivre sur sa page facebook. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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