2 Folks, voyages en pays intérieurs
Telle un Courant d’air, une voix de jeune femme, claire, cristalline, apparaissait Vagabondeuse et discrète sur plusieurs titres des Confidences de Guilam, son album de 2013. Quelqu’un d’un peu curieux aurait compris que Camille Delahaye était la digne fille de son père Guillaume, dont elle a hérité la voix haute et souple et bien des gènes de talent.
Quatre ans plus tard, c’est à jeu égal avec Guilam que Camille nous revient, dans ce bel album de toile rouille revêtu, sous le nom de 2 Folks. Des chansons au coin du feu, au cœur des gens : « Il est tant mal visible que parfois / On cogne dedans » (1), mais qui galopent aussi dans les grands espaces.
On est d’emblée frappés par l’accord parfait de ces deux voix ; c’est ici que se justifie pleinement l’expression chair de ma chair. Les deux voix limpides coulent sur les notes des guitares (avec Gilles Guérif en guitare additionnelle), enregistrées dans toute leur pureté ; chaque corde pincée, glissée vibre à nos oreilles. Mise en abyme dans La voix, tentative pour nous expliquer ce qui fait le charme, au sens fort, d’une voix, qui peut nous happer au-delà des mots : « La voix ça t’déshabille / Ne reste alors que l’indiscret / Une pornographie subtile / De la poésie / Sans filet ». On aura une démonstration de cette troublante connivence, magnifiques alternances de ces voix qui se mêlent à bouches fermées sur un orchestral Imprévu au son de l’ukulélé. Ou dans l’Entêtant final : « 2, 3 notes à saisir / 3 accords et pourtant »…
C’est alors que Camille, soudain seule, entonne Emmenez-moi. Il nous faut faire effort de concentration pour échapper au charme de cette voix tendrement vibrante, envoûtante, et prendre le temps d’écouter les paroles : « Emmenez-moi sur vos rivages / Gens des détours / Des vérités / De celles qui font tourner les pages / De ces dérives à inventer ».
Les deux voix savent aussi se répondre, laisser quelque place à la guitare, voire au silence, pour nous emmener sur d’autres rivages : « Si on peut savourer Mozart / Satie Chopin sentir Schubert / Chaplin Almodovar / Scheller en solitaire »… Ou évoquer la séparation, fusionnant à nouveau au refrain : « Silence entre 2 rives / Un pas vers l’incertain / Silence entre dérive / Et regards si sereins ». Enfin, avec une poésie délicate, le deuil d’une enfant, sur le très beau texte de Marie-Noëlle Delotte : « Le ciel est ivre-mort / Petite météore / Là-haut les rêves n’ont pas sommeil / Ils jouent à chat en plein soleil ».
Guilam à son tour nous berce de son J’aimerais protecteur, tendre et inquiet au son d’une guitare minimaliste : « Tu peux lâcher ma main / Ça fait déjà longtemps / Qu’on sent venir la fête / C’est avec grand plaisir / Que j’n’ai servi à rien ».
Ces variations content plus des subtilités de sentiments que des anecdotes, elles créent une atmosphère enveloppante à laquelle on s’abandonne. Guilam, comme d’ habitude, c’est fil tiré, passé et repassé dans le chas des émotions : « C’est un savoir qui se mesure en sentiments / De ceux qui durent / Prolongent nos printemps / C’est un empire une blessure / Un lien tourbillon permanent / Entre nous, ce fil d’or est dément ».
On ne s’étonnera pas dans cette étude si fine et mélancolique, de trouver une belle reprise de Tel un seul homme du Québécois Pierre Lapointe. Un album dont on sort grandi, apaisé , même s’il est émaillé de questionnements : « C’est un voyage au bout de l’envie / Que vous venez de traverser / Imaginez nos jours nos nuits / Ce doux pari de vous bercer ».
(1) poème de Valérie Rouzeau
2 Folks, Variations, album auto-produit (2017) 12 titres. Le site de Guilam, c’est ici. Celui de 2 Folks, là. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Guilam, ici.
Guilam est en concert solo « Confidences » à Pourchères après la sortie de stage des stagiaires d’Anne Sylvestre le 11 mars 2018, détails sur sa page facebook.
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