Clio, il pleut des gouttes de bonheur
MJC de Venelles, 3 février 2018, co-plateau Clio-Lise Martin,
Clio Tourneux collectionne toutes les médailles de la chanson depuis 2015, jusqu’au prix Georges-Moustaki en 2017 où elle n’a pu concourir en finale pour cause de maternité.
Elle apparaît timide et douce, semble avoir quinze ans dans son petit t-shirt noir, jean et baskets assortis. Et oublie de brancher sa guitare acoustique sur son premier succès, celui qui l’identifie clairement, Eric Rohmer est mort. Celui qui vous emporte au bord de la mer, dans les trains et les bistrots à discuter des heures, dans des atmosphères chic et feutrées.
Au physique, c’est à la jeune Romy Schneider, à son charme fragile et fort à la fois, qu’elle fait penser – ressemblance revendiquée : « Dans mon histoire d’amour, je serais Romy Schneider ». Pour ses chansons, elle est le pendant féminin de ces Vincent Delerm, Alex Beaupain, Albin de la Simone, capables de suggérer des sentiments et des atmosphères en restant un peu en retrait.
Etienne Champollion, cheveux dans le vent et grande écharpe soigneusement drapée s’installe au clavier rouge et synthé. Musicien multi-instrumentiste même si sa formation de base est le piano, compositeur, arrangeur, fondateur de l’Ensemble DécOuvrir, il est d’autant plus à l’aise qu’il est originaire de la région et qu’il a même habité à Venelles.
Le duo piano voix (même si Clio reprend souvent sa guitare – branchée cette fois -pour de doux accords) fonctionne à merveille. Le son, les lumières, tout est parfait, la voix de Clio, toujours aussi douce et charmeuse, prend de la consistance, se développe, nous enveloppe, fait surgir des images et des sentiments. Sa voix se brise avec grâce, défend son petit cœur d’artichaut « Je tombe amoureuse dès qu’on me touche / C’est de l’encre pour mes cartouches », tant qu’on a envie de lui essuyer la larme qui lui roule sur la joue avec un mouchoir de dentelle : « Parce qu’avec toi, j’en ai eu qu’une, de première fois ».
Plus le spectacle avance, plus le public est conquis, ravi par cette ado perchée sur son tabouret, qui rêve sous les notes de piano déferlantes de gouttes de pluie, en confidence, d’enfants, de rigolades… et de longs dimanches. Que son compagnon a envie de protéger des averses, dans ce joli duo d’une chanson écrite avec Jérémie Kisling. Qui remonte à bicyclette le Boulevard Haussmann à l’envers, sans rien voir ni entendre, toute au cinéma qu’elle se fait , qu’elle nous fait, imaginant la suite de la rencontre : « Je repense à hier ». En contemplation devant ce Bout du monde, où surgit soudain un son de flûte rêveuse.
Clio excelle à nous transporter dans cette époque bénie, à moins qu’elle ne soit rêvée, de cigarettes au bord de la mer, d’éclats de rire au soleil des retrouvailles, de chamallows qui pleurent, et de cyclistes, petits équilibristes. Où le souci principal était les intermittences du cœur.
Par petites touches elle peint les hésitations, les retours : « J’ai fait des tours autour de la maison / Fumé beaucoup / Mouillé mes joues / Touché le fond ». Et l’amour inquiet et jaloux, avec cette splendide métaphore de Plein les doigts : « Les deux mains dans la gouache / Je vais te refaire le portrait (…) Te rater, te rayer /Te froisser et m’en débarrasser »
Et puis la jeune fille devient mère. C’est le moment qu’elle a choisi pour accorder sa pause syndicale à Etienne, et jouer elle-même du clavier. Les perturbations de la vie quotidienne qu’occasionne ce bébé, évoquées avec humour, s’effacent soudain devant son sourire : « C’est mieux que les vacances / mieux qu’un arc-en-ciel / J’ai reçu en avance mon cadeau d’Noël ».
Pari réussi pour Clio, qui présente discrètement chaque chanson, gonfle une bulle de bonheur. Celui qu’elle essaie de communiquer en rappel à cette amie en peine : « Et moi je tire sur tes joues pour qu’elles rigolent (…) Je fais du vent dans ta grisaille / Pour qu’elle se dissipe »
Le site de Clio, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là. En tournée avec son album éponyme (2016)
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