Géronimo ! Chapeau, comme un oiseau vers l’azur
Le Petit-duc, Aix-en-Provence 20 janvier 2018, co-plateau (2) Dyne – Géronimo ! Chapeau
Géronimo ! Chapeau (un nom étrange qui vient du cirque), alias Jérémie Chapelain, émerge du noir, déjà prêt a emballer son monde, avec son sourire désarmant. Jouant les éberlués, il nous introduit en longues digressions son intention de ne rien nous dire, d’exploiter l’obscurité chaleureuse de la salle, de nous faire voyager, à moins qu’il n’envisage de nous envelopper d’un chant triste arabisant !
La salle est déjà gagnée à sa chevelure bouclée de pâtre médiéval, son regard bleu-vert, ses pieds nus, sa guitare et son pull jacquard des années 70.
Sa musicienne Mathilde Dupuch aux longs cheveux frisés ramenés en bandeaux serre dans ses bras et entre ses genoux un grand accordéon à touches de piano. Elle en joue avec une intensité digne des meilleurs musiciens d’Europe de l’Est, assise discrète malgré sa jupe à rouges coquelicots. On les jurerait sortis du plateau du Larzac ou de l’arrière pays de Giono, des rêves de monde idéal plein la tête, de grands espaces où courent des chevaux en liberté, ouvrant les bras aux humains du monde entier. Et on ne se tromperait pas beaucoup.
Alors s’élève le chant, cette voix douce, claire, prenante, vibrante, avec des vocalises, des effets de guimbarde à bouche fermée, des inflexions. Soulignés par les claquements et les pincements des doigts, très indépendants sur la guitare. Par la respiration de l’accordéon qui suit au plus près, en deuxième voix. Ses chants combinent beauté des mots qui dessinent des paysages, jouent des sonorités, évoquent d’anciennes mélopées médiévales : « Je t’ai donné sans un mot / Un bouquet de fleur de neige / Et ma mémoire part à vau-l’eau / Ce que tu en as fait, qu’en sais-je / Est-ce qu’il sentait le pavot ou les effluves de liège / Sous le givre, sous le halo, sous le halo de la neige… » Et sens secret de ses fables cachées dans des contes haletants, telle L’amicale des chercheurs d’îlots perdue entre terre et mer : « Comme la mer est calme aujourd’hui, même l’horizon nous ennuie (…) Oh nous ramons, nous ramons, sans aucun repère ». Car cette épopée d’aventuriers des mers nous parle de nous, perdus dans un monde qui ne nous convient plus… S’il est engagé dans la vie, ses combats n’apparaissent dans son répertoire que sous des formes poétiques.
« Pas le temps de contempler la grève, il nous faut sauter dans l’eau » nous confirme l’impression de retrouver un fillot du troubadour des années 80, Angelo Branduardi, avec ce rythme en boucle entêtant. Prêt à nous emporter dans des voyages hors du temps, dans les bois, les landes et les rivières, au pays des fées, des anges et de poignants Petits faons endormis à jamais. Le bourdon de l’accordéon, montant en intensité dramatique, les lumières violettes incitent à vivre, même dans un monde difficile « Mais c’est aussi un piège, de ne pas devenir vieux ».
Innocence, humour et désespoir font bon ménage dans cette Peste qui laisse ce personnage naïf, seul au milieu d’une terre dévastée, en attente d’un être humain quel qu’il soit : « Y’a t’il quelqu’un à la ronde / pour entendre cette complainte / même une créature immonde / je lui donnerais l’étreinte ».
S’il nous annonce une chanson qui finit bien, cette vie « qui jamais ne nous trahira », c’est pourtant un message réaliste qu’il nous délivre : « Tout au bout de l’errance, il y a la vie qui jamais, jamais, ne nous appartiendra ».
Après l’annonce par le Petit Duc d’une programmation complète pour chacun des artistes la saison prochaine, Dyne et Renaud rejoignent la scène pour donner tout son sens à l’expression co-plateau, en quatuor déjanté sur Girouette de Dyne, puis en somptueux et fusionnel duo de voix sur le Volcan de Géronimo. Le public ne voulant plus lâcher les artistes, une hilarante chorégraphie semi-improvisée autour de la parodie des Spice Girls de Dyne clôturera la soirée. Enchantés !
Le site de Géronimo ! Chapeau, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.
Commentaires récents