Presque Oui, du rire aux larmes
MJC de Venelles, 13 janvier 2018, avec Wally en invité surprise,
Pour ses vingt ans de scène, Thibaud Defever, alias Presque Oui, nous offre un spectacle épuré, seul avec une guitare dont il tire tout un orchestre. Ou même sans, dans le noir, a capella, en beat box, faut dire qu’On était censé voyager léger…
Un récit de son parcours, depuis les reprises avec la chanteuse Marie–Hélène Picard, du temps où il n’était « que » guitariste accompagnateur (virtuose)… Jusqu’à ses collaborations successives, comme son violoncelliste (et flûtiste à bec) Sylvain Berthe, qui accompagnait le tête-à-tête avec Anne Sylvestre en 2015, déjà à la MJC. En duo, en trio (avec un batteur) , en solo, pour adultes ou pour enfants (le très joli spectacle/album Icibalao vient d’être récompensé au Prix Charles-Cros), Thibaud promène sa guitare et sa voix douce, toujours prêt à croiser sur la route d’autres artistes. Comme Wally, invité surprise de la soirée, en milieu et fin de concert.
Ce concert est placé sous le signe du voyage, voiles en mer d’eau ou de sable, rêves entre deux oreilles, des hauts, des bas, des renaissances. Des mirages, une sombre illusion : « L’océan s’évapore aussi sec / Mon ami…Tu souris, tu revis, tu reviens (…) Je m’approche, tu retombes en poussière ». Des dérapages et des fils perdus, des Faux pas.
Et le temps qui passe. Le regret des fugues d’adolescent, sac à dos vers des châteaux en Espagne et des jours qui se lèvent, la belle étoile et des lits dans la mousse… « Qui aujourd’hui s’inquiètera pour nous ? » Et l’ inoubliable J’étais vieux.
Ceux qui ne le connaissent pas devinent peut-être aux hésitations dans son récit, à sa voix douce qui se brise parfois, au mot tragique sur lequel il bute dans une chanson qui paraît légère «J’veux r’faire mon vœu », une mélancolie cachée sous la drôlerie, qui transpire parfois dans ses textes « Et vaille que vaille, au gré du rail, je dérive » .
Ils comprendront réellement le drame joué en 2006, à mi-parcours de la carrière de Thibaud, lorsque, en mitan du concert également, il convoquera la voix nue de Marie-Hélène, l’accompagnant à la guitare, comme il le faisait autrefois, dans un duo de totale émotion, Le bout du monde. Parce qu’elle n’a pas choisi de ne pas être là. Et semble toujours habiter son Séquoia tatoué dans le dos.
Mais « Tout finit par s’arranger, même mal », comme il l’a entendu dire dans le train, et Thibaud sait aussi nous faire sourire, voire rire à gorge déployée dans ses intermèdes (ah, la séquence slow improvisée très disco sur Danser avec une dame du premier rang !) Et broder, pour conjurer les mauvais sorts, des scénarios plein d’espoir et de fantaisie, avec sa co-auteure de toujours depuis le collège, Isabelle Haas. Si vous lui trouvez quelquefois de petits accents de Mireille (non, pas Mathieu, celle du Petit Conservatoire !), ce n’est pas un hasard. Savez-vous que Presque Oui est une chanson d’icelle, en duo avec Jean Sablon ? Vous la découvrirez, pleine de charme et d’humour, dans un duo inattendu Wally-Thibaud.
S’il y a des Dégâts des eaux (2005), virant parfois au Titanic, c’est pour mieux rencontrer la voisine du haut « Je ne laisserai s’interposer ni l’assurance ni les pompiers, on réglera ça à l’amiable à deux dans mon bateau gonflable » . Si l’amour est Suspect: « Si je grimpe aux rideaux je peux tomber de haut », il reste toujours le recours : « Aimons-nous, même vacillants ».
Les rappels seront l’occasion de nouveaux duos avec Wally, d’une douceur poétique et non dénuée d’humour, sur le répertoire de Dick Annegarn, qui prend ici toute son actualité : Bruxelles, Bébé éléphant et les moins connues Orbre : « Il y a de l’or aux arbres il y a du bleu au ciel / Il y a du blond aux barbes il y a du goût au miel » et A quoi pensent les tchèques.
Le public ne voulant plus le laisser partir, Thibaud reprendra l’émouvante Dans le doute : « Et me voilà, me revoilà ».
Prochain spectacle de Presque Oui 20 ans / 20 dates le 30 janvier 2018 à Toulouse Espace Bonnefoy, en tournée tout comme ICIBALAO. Thibaud est ce soir 21 janvier au FLF à Ivry avec Monique Brun pour Fantômes, sur les thèmes de l’absence, du baume et de la plaie (Bruno Ruiz, William Blake, Apollinaire), et ses classiques, Le revenant, Peau-neuve et Tout me parle de toi.
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