François Puyalto, tout en haut sa maison
Ecouter ce disque de François Puyalto, c’est comme visiter une maison en vue de l’acheter et savoir que c’est celle-ci que vous prendrez. Vous vous sentez immédiatement chez vous, comme si vous l’aviez habitée depuis l’enfance, et en même temps, à chaque pièce que vous visitez, vous faites des ho ! et des ha ! de surprise et d’émerveillement. Il y a d’abord la voix : grave, audible (diction parfaite), claire, caressante avec ces infimes inflexions qui ponctuent ses mots pour vous séduire. Un peu celle d’Arthur H, rocaille en moins. Aussi pour la liberté absolue de la musique et des arrangements, qui part douce mélodie, parfois piano, parfois basse harmonique, pour virer rock ou free jazz détonant (il cite John Coltrane et ses méditations), avec des chœurs bien intégrés. Et pour le texte, limpide, précis, musical en lui-même, qui dit beaucoup avec peu de mots.
Cette maison, elle serait à la campagne, loin de la ville, au bout du Chemin en revenant de Lyon : une petite note insistante vous y accueille, crée le suspense pendant qu’on surveille « Si les animaux tapis risquent un œil, une patte / Pour voir qui passe ». On s’y réfugierait, fuyant les dangers de la ville, les tensions, les guerres, les amours qui finissent mal. Laisse-moi est une façon bien originale de décliner le Fuis-moi avec le Ne me quitte pas, de parler des grands écarts des amoureux. De la douceur à la distorsion totale.
Qui n’a pas rêvé de « Nager / Nager jusqu’au bout / Jusqu’au bout de ses forces / Nager, nager, nager (…) Et marcher dans les terres (…) Monter sur les arbres » (La jetée).
Très réussie, Klaxon, qui démarre comme un rock ou un twist des années 60 rythmé et rigolo, et finit dans un délire total free jazz/rock par une proposition très bonobo contre l’agressivité: « Pourquoi, pourquoi, pourquoi tu klaxonnes / Tu veux quoi, tu veux quoi, tu veux que je t’assomme / S’il te plaît / Embrasse-moi »
On y retrouverait des arbres et des animaux : avec cette chanson éponyme de l’album, occasion de rendre hommage aux animaux parfois plus humains que les hommes en faisant sonner les jolis mots du français (excellent exercice d’orthophonie), avec révision de toutes les expressions utilisant…des noms d’animaux.
Quand l’auteur abandonne la parole, c’est toujours pour qu’on lui raconte une maison, l’énigmatique version de l’auteur de BD Thomas Gabison : « Et le pli de la maison / Encaissée dans la falaise / C’est là / Que l’on donne le lait » sur fond de batterie très présente.
Ou la maison fermée de Molly qu’il aime toujours : « Si elle n’est plus belle, eh bien tant pis ! Nous nous arrangerons ! J’ai gardé tant de beauté d’elle en moi », preuve qu’une prose peut devenir superbe chanson sur une musique bien chaloupée, à la Nougaro. On sera bien surpris d’apprendre que ce texte d’une délicatesse extrême et légèrement surannée est de Louis-Ferdinand Céline, sans doute le seul où il parle d’amour.
A maintes reprises les chansons de Puyalto, dans sa quête d’un idéal, d’un sens (Si on t’avait dit : « Le doux de l’eau / le feu brûlant ») m’ont fait penser au blues-folk sensuel du Fink de Sort of a revolution. On y retrouve les mêmes subtilités des cordes, la voix prenante et l’inspiration libre, cet Infini solaire d’Apollinaire, cet ailleurs de So long : « Souviens-toi qu’il existe / Un ami qui pense à toi tout là-bas / Dans la jungle des villes » qu’on retrouve dans Demain.
La comptine finale m’évoque encore Arthur H, ponctuée de chœurs d’enfants et d’adultes, ce Bonheur fugace qui ne fait pas de chansons : « On fait des rimes, des films, des piles / De pages sublimes / Quand tout va bien / Moins ».
François Puyalto, Le nom des animaux, 2017 Le Furieux. Le site de François Puyalto, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Concert de sortie d’album le 22 novembre 2017 au FGO-Barbara à Paris XVIIIe à 20h.
Commentaires récents