Christian Aguinaga, plume d’ange pour amour sans mesure
Il est bon de revenir sur de petits bijoux d’albums dont la distribution un peu trop discrète nous avait bien malheureusement privés.
Un seul reproche au sujet de celui-ci : qu’il ne soit pas assorti d’un écrin mettant en valeur la délicatesse de son contenu, je veux parler d’un digifile carton avec livret illustré à la hauteur de ses textes, une idée à approfondir pour une prochaine édition.
Donc, ces Amours d’ici bas ne sont descendus parmi nous que récemment. Et il serait bien dommage de les enterrer. Nous y retrouvons le discret et talentueux Christian Aguinaga, beau blond Caressmatique qui ne veut pas finir « Comme tous ces hommes nus bilés / Que l’on ne touche jamais ». Avec l’aide de son éternel complice Olivier Niaudot – dont nous avons chroniqué récemment l’album personnel – à la musique, au piano et au chœur, il nous entraîne dans la valse tourbillonnante, le jazz un peu manouche, la java, la mélodie dansante, de ses sentiments intimes. Il faut d’ailleurs remercier Olivier pour la richesse et la variété de ses arrangements, et tous les musiciens (guitares, basses, violoncelle, accordéon, batterie) qui suivent au plus près les états d’âme de Christian, avec ce qu’il faut de renversements de rythmes, de petites notes de piano, d’envolées de violoncelle ou de cordes, ou de respirations enfiévrées d’accordéon.
De sa voix enveloppante, tendre, et voilée juste ce qu’il faut pour diffuser une aura de mystère, il nous invite à se « christianiser » dans les méandres d’un cœur qui voudrait bien « naître enfin à la mesure / A la mesure d’[sa] démesure. » Et quitter le droit chemin des convenances pour se laisser aller à la fantaisie, tentation vers des « p’tites faims inavouables / Une p’tite espèce de cache-drame. »
Son goût pour les Lettres, qu’il pratique, écrit, dit, enseigne, est léger, plein de créative fantaisie. La plume vole au rythme de son cœur, usant d’assonances et de superbes néologismes poétiques, hymnodermique, aphrodermique, de jeux de mots : « Mon petit bout d’a (…) Mon petit jus d’a ». Son Amour d’ici-bas, fragile et naïf, peint en couleurs au pinceau des enfants, est murmuré à nos oreilles comme un doux secret, « Un amour d’ici pâle / D’ici mort, d’ici mâle ».
L’impression dominante reste la tendresse, entrelacée si subtilement avec un grain de folie : « Mon p’tit rouge octosyllabial / Il vous donnera cette fièvre / Qui n’a rien de sentimental » et une bonne dose d’autodérision et d’humour, parfois noir, comme dans ce Mince alors : « Pourvu qu’à l’heure d’ma dernière heure / Je sois encore le plus fin défunt. »
D’autres titres évoquent ses questions sur la mort. Quand je serai muet de moi, et le très bel hommage à son père : « Mon père (…) qui es aux cieux sous terre / Toi dont la volonté n’a jamais été faite (…) Délivre moi du mal, du mal de ton absence. »
Que dire de cette merveilleuse Lettre à la science promouvant le don d’organes avec une douceur infinie de berceuse : « Que mon cœur batte ailleurs / Chez un autre que moi / et qu’un supplément d’heures / Lui soit donné de moi. » Tout le texte en est chef d’œuvre de délicatesse, testament d’amour, et tension de vie en même temps, chez cet artiste qui chante souvent pour les causes qui lui tiennent à cœur.
En final, une petite canción dans la langue de ses aïeux pour ouvrir un Caminito à nos songes ¡ Muchas gracias Christian !
Christian Aguinaga, Amours d’ici-bas, autoproduit 2017. La page facebook de Christian Aguinaga, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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