Quand tu Voulzy, je m’envole au paradis, je vais à Rio
Laurent Voulzy occupe une place à part dans la chanson française. Probablement le compositeur le plus doué de la place, il est l’auteur de quelques-unes des plus belles mélodies du répertoire. Cela lui a permis d’être une véritable machine à tubes : Le pouvoir des fleurs, Le soleil donne, Belle-Ile-en-Mer, Bubble star, La fille d’avril… La liste est trop longue pour que je la reproduise ici.
Pour autant, l’homme est de nature parcimonieuse et a toujours pris le temps de peaufiner ses disques, ne se décidant à les offrir au public qu’une fois atteinte la perfection recherchée (si tant est qu’elle existe). Résultat : après une quarantaine d’années de service (son premier 45 tours date de 1972), voilà que paraît seulement son 9ème album-studio. On a connu plus stakhanoviste !
Pourtant, le rythme s’accélère : alors que, par exemple, 8 années séparaient son 2ème disque de son troisième et que 9 années supplémentaires d’attente furent nécessaires pour voir naître le suivant, l’homme a ces derniers temps quasi enchaîné les productions : Lys & Love date de 2011, l’album commun avec Souchon de 2014 et à présent, dans les bacs depuis début septembre 2017, le petit nouveau Belem. Encore un effort et il rattrapera Jean-Louis Murat !
Album hommage à la chanson brésilienne, Belem (du nom d’une ville portuaire du pays) est à la fois ensoleillé et mélancolique, comme la saudade de là-bas. Voulzy aurait-il décidé que, vu son âge tout doucement avancé (bientôt 69 ans), il n’avait plus guère le temps de tergiverser ? Toujours est-il que cet album frappe par la simplicité qui s’en dégage par moments. Pas moins de 4 morceaux en effet – dont un instrumental et une reprise en portugais de son My song of you – auront été enregistrés sur une plage de Rio de Janeiro, dans une sobriété monacale inhabituelle chez l’artiste puisqu’il s’y accompagne de sa seule guitare. Fini les orchestrations léchées et les subtiles harmonies, alors ? Rassurez-vous, les aficionados de notre pop-singer se rattraperont avec le morceau-titre, paradoxalement aux couleurs anglo-saxonnes prononcées, et, surtout, avec le morceau-phare de l’album, divisé en 3 parties et d’une durée totale de 18 minutes, intitulé Spirit of samba. Une revisite par Voulzy de son Rockcollection, les tubes anglais étant ici remplacés par des standards brésiliens.
L’ami Souchon est bien entendu de la partie, à l’oeuvre sur 5 morceaux, les autres étant de la plume de Pierre-Dominique Burgaud, David Mc Neil ou Voulzy lui-même, qui a bien entendu composé l’ensemble de l’album, hormis un morceau de Philippe Baden Powell (fils du célèbre guitariste brésilien).
Belem fait du bien par où il passe. Des chansons simples, pures, voire naïves. De la chaleur en CD, bien nécessaire en ces temps anxiogènes. Certes, on se dit à la première écoute qu’il n’apporte pas grand-chose à l’immense carrière du chanteur, qu’on préfère celui-ci quand il flirte avec la pop anglaise post-Beatles et qu’il nous a livré là un produit minimal, sans grande inspiration, chacun des intervenants se reposant sur son métier. Mais petit à petit s’insinue le charme insidieux du disque, qu’on se surprend à fredonner malgré soi, et que l’artiste achève par 10 minutes de bruit des vagues, touche finale et zen d’un album délassant. Pas le meilleur album de sa discographie, non, mais un Voulzy mineur reste de toutes manières dans le haut du panier.
Laurent Voulzy, Belem, Columbia 2017. Le site de Laurent Voulzy, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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