FCF Aix 2017. Monsieur Lune, le jour se lève sur sa banlieue
Festival de la chanson Française d’Aix, 3 octobre 2017, Conservatoire Darius-Milhaud,
Première flippante pour Monsieur Lune avec ce répertoire tout public, Un Renaud pour moi tout seul, dans le moderne auditorium du Conservatoire Darius Milhaud. Avec lui ses musiciens de rock habituels, Sébastien Collinet au piano (et à la guitare), Frédéric Monaco à la batterie, Cheveu à la guitare électrique, bleue comme l’espoir, et Gaël Derdeyn à la guitare acoustique et à la mandoline. Et tout l’orchestre à cordes du Conservatoire, dirigé par le souriant et dansant Jean-Philippe Dambreville, pour emporter le concert vers des sommets d’émotion. Pensez, de toutes jeunes filles (et trois jeunes gens) dans leur plus belles et longues robes noires, jouant de l’archet avec ferveur et rythme : six violons, quatre altos, une contrebasse, deux violoncelles. Tout cela grâce aux arrangements de Florent Gauthier.
Toute nouvelle expérience pour Nicolas qui nous l’avoue, « flippe sa race ». Pas de crainte à avoir, ce concert est communion de toutes les musiques, de tous les âges, depuis les toutes petites filles dans le public qui battent la mesure, jusqu’aux grands mères attendries, en passant par la belle rangée d’étudiants de vingt ans enthousiastes.
En cette année 1975 sortait l’album Amoureux de Paname de Renaud, celui d’Hexagone, de Société tu m’auras pas ou de Camarade Bourgeois… La même année l’attachée de Presse de Renaud donnait le jour à un petit blond ébouriffé, Nicolas Pantalacci, dont le papa dirigeait des radios musicales. C’est pour vous dire que pour Nicolas, Renaud faisait un peu office de grand frère. D’ailleurs, il nous l’avouera, il a toujours cru que Pierrot, cet hymne à une paternité rêvée, désirée, avait été écrite pour lui. Et quand il la chante, cette chanson qui ne figure pas dans l’album – l’une des plus tendres de Renaud – c’est sans pathos, en toute simplicité, avec ce si joli ralenti de violon à la fin.
Nicolas a sélectionné les chansons les moins rebattues de la période Renaud de son enfance, du temps où il avait plus de tendresse pour les voyous que pour les flics. Des histoires de gosses gravement paumés, jusqu’à en cogner, jusqu’à en tuer, jusqu’à en crever à leur Dernier bal. On pourrait même croire qu’il raconte l’histoire d’un même personnage, sorte de Gavroche mourant sur les barricades : « Il est deux heures du mat’ / Mon sang coule au ruisseau ». Qu’ils soient voyou mourant rue Pierre Charron, loubard périphérique, Mohamed ou Slimane, Nicolas leur murmure à l’oreille avec douceur et tendresse, de sa voix à peine voilée, comme pour ne pas réveiller le dormeur aux deux trous rouges au côté droit. Jusqu’à cette Teigne, petit cousin de l’homme à la moto de Piaf à qui il accorde un espoir de rédemption : « Mais je suis sûr qu’au ciel c’est un ange ». Chaque détail des textes, jusqu’aux paroles racistes, aux conseils des Yaka et des Faukon, jusqu’à l’aveu de Slimane : « J’aime que la mort dans cette vie d’merde / J’aime c’qu’est cassé / J’aime c’qu’est détruit / J’aime surtout tout c’qui vous fait peur / La douleur et la nuit » prend alors une redoutable actualité.
La voix de Nicolas, les mélodies si douces et balancées de Renaud font paradoxalement de Deuxième génération, ou de La chanson du loubard (texte de Muriel Huster) les chansons les plus tendres du concert. Seule rescapée du répertoire postérieur, La médaille (c’est d’la merde, comme aurait dit Coffe) de 1995 fait pied de nez à l’armée. Mistral gagnant bat le rappel, et on aura même droit à une Tête de gondole, chanson personnelle de l’artiste, la plus pessimiste de tout le concert. Peut-être faut-il changer de blond pour écouter Renaud.
Le site de Monsieur Lune, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
LE DERNIER JOUR, CONTE ILLUSTRÉ
Monsieur Lune est loin d’être inconnu au Festival de la chanson française d’Aix, où il a présenté plusieurs fois son spectacle pour enfants Gaston et Lucie ; d’ailleurs il revient mercredi avec sa nouvelle création pour jeune public, que je n’ai pas pu aller voir, mêlant chansons jouées en live, projection de dessins animés et bande son avec les voix de Pascal Legitimus, Gérald Genty, Oldelaf, Syrano, Laura Cahen, Barcella, Alexis HK et Karimouche, l’histoire un peu magique du dernier jour à l’école d’un petit garçon amoureux de sa copine de classe, alors qu’il doit déménager. Un extrait ici :
Jolie surprise en redécouvrant les chansons de Renaud à travers ces nouvelles interprétations. On rajeunit en retrouvant la gouaille insolente et tendre de l’époque des débuts.
Monsieur Lune nous ensoleille et éclipse le Renaud d’aujourdhui qui marche à l’ombre…
Deux enregistrements faits à Aix, Pierrot :
https://www.youtube.com/watch?v=hGu0vEAEPGY
et Deuxième génération :
https://www.youtube.com/watch?v=idWceWrWfnQ