FCF Aix 2017. Raoul Petite, soyons légers
Festival de la Chanson française, salle du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence, 30 septembre 2017,
Si à 50 ans vous n’avez pas encore vu un concert des Raoul Petite, c’est que vous avez raté votre vie. Ou au moins l’occasion de vous remonter le moral comme le physique ! Qui est Raoul Petite ? L’avatar du bassiste de Frank Zappa, idole du groupe : c’est aussi le nom de ce Big Band pas comme les autres, d’une dizaine de musiciens-danseurs-chanteurs-performeurs (neuf sur scène ce soir), inclassable mais avec la classe – c’est eux qui le disent, et je plussoie. Christian Picard, dit Carton, le « vieux qui déchire » fondateur du groupe il y a près de quarante ans, est plus jeune que bien d’entre nous dans sa soixantaine très avancée. Sorte d’Iggy Pop aptésien, profil d’aigle marqué par le soleil, moitié maçon moitié chanteur. Si les parpaings qu’il a portés lui ont donné cette ligne et ce punch de jeune homme, on peut conseiller aux messieurs de construire leur maison plutôt que d’aller en salle de muscu.
A son altesse royale le king Raoul 1er, Princesse Juliette (Juliette Masse « Juliette Gueiko ») donne la réplique, au chant, à la danse. Aussi plantureuse que son acolyte est émacié, elle n’a pas les yeux dans sa poche mais plutôt sur les bouts des seins, quand elle n’a pas la touffe sur une combinaison léopard. Avec sa copine Katy (Cathy Casy), absente ce soir mais présente au bout du fil, ce sont elles qui font les costumes.
Je peux vous dire que ce n’est pas une sinécure : les tenues des chanteurs changent à chaque titre. Du string sous cape du Sacre, au kilt et chaussures à socles-échasses, ou au casque à corne sur cape de fourrure, nous aurons le loisir d’admirer la ligne d’ascète de Carton. Et sur les jolies formes de Juliette, du maillot de cabaret à la tenue d’infirmière prête à satisfaire tous vos fantasmes… pour peu que vous ne soyez pas trop Paranorama ! Je ne vais pas vous décrire tous les costumes, allez les voir, c’est mieux !
Parce que ce spectacle est un grand opéra-rock, une sorte de messe laïque bon enfant, ambiance salsa du démon, sexe champagne et rock’n roll, mais comme il est d’usage avec les groupes qui ne se prennent pas au sérieux, avant tout un grand laboratoire musical, voire textuel.
Chers ami.e.s et spectateurs-trices, vous verrez Carton fendre la foule massée au pied de la scène, sur son trône à porteurs tel un empereur romain. Vous serez tour à tour arrosés au champagne, rafraîchis à l’eau d’un pulvérisateur de jardin, entarté au gâteau d’anniversaire. Assisterez au strip-tease en ombre chinoise de Carton. A un numéro sado-maso avec Molosse, ou à un pamphlet féministe déjanté, Fouffe power. Les porterez en triomphe, à plat–ventre à travers la salle.
Bien sûr vous ne comprendrez pas un traître mot du spectacle – ou, bon, un mot de temps en temps, à peine de quoi identifier la chanson. Allez plutôt les chercher dans leurs albums : vous y trouverez quelques sujets de vous réjouir, comme Voisine : « J’ai des problèmes de langage / Avec ma voisine d’étage (…) – Jourbon Monsieur / Carton j’suis pas baltringue mais je kiffe / Du black-out pas de choune on m’a kébra mon kébri. »
Ou de vous édifier dans une satire bien construite, jugez-en plutôt : « Dussé-je m’alimenter exclusivement de mauvaises racines / Ramassées dangereusement sur les parois escarpées des ravines (…) / Non, non, non ce n’est pas une bonne affaire / Pour cesser de faire le jeu de mon ver solitaire / D’arrêter de m’enduire les parois du colon de purée bovines / Dans un petit pain rond » (Fouidom). Parce que mine de rien, ils en ont sous la coiffe, les Raoul !
Niveau musical le rap de Carton n’est jamais sans mélodie, alterne avec le chant rock lyrique de Juliette et les chœurs des musiciens, passe du funk cuivré (avec Manu au sax, Math à la trompette et Tibo au trombone) au jazz. Du rock où la guitare de Markus et la basse de Klem feulent et pleurent sur la batterie de ouf de Mario, au métal. Du reggae à l’électro, avec les claviers d’Alain Nicolas, le plus ancien dans le groupe après Carton. Et quand au bout d’une heure trente de bonheur en continu vous leur ferez la fête, ils reviendront vous gratifier d’une demi-heure supplémentaire. Merci à eux, Tout est en mouvement, comme ils disent.
Le site des Raoul Petite, c’est ici. Nouvel album en préparation. Et tournée 2018 après résidence.
À bientôt en concert dans le Sud. Alpes de Htes Provence