Foutez-nous la joie !
Si j’ai bien compris il y a les fouteurs de merde : ils sont nombreux, et ne doivent pas savoir chanter. Ou très mal. Et pis Les fouteurs de joie : ils sont cinq et, eux, sont chanteurs. C’est pas que leurs sujets de discussion soient forcément différents, c’est simplement leur façon d’aborder les choses qui le sont. Nos Fouteurs de joie, eux, chanteurs et musiciens ironisent, optimisent. Et le disent tout de même. Avec des sujets qui, pourtant, pourraient appeler la discute, la dispute. Vous pensez, parler de notre ex-futur président à la probité et au sens si communs, ce François à sa Pénélope… De comment, idiots que nous sommes, on engraisse les poulets en batterie pour les ingurgiter, comment on humilie les sols à force d’y planter des graines volontairement sans avenir. Comment on assiste, impuissants, au réchauffement de la planète, pas à celui des cœurs. Ou, mieux et pire encore, du sort enviable des sans-emploi, comme dans La supplique des patrons : « Donnez-nous du chômeur / Car il nous faut des gens qui comprennent bien / Qu’on ne peut pas les payer plus que trois fois rien / Donnez-nous des familles qui ont des crédits sur le dos / Des surendettés des crétins des idiots / Donnez-nous la main d’œuvre rompue au plan social / Qui n’a plus d’avenir de rêve ou d’idéal ». La portée des chansons des Fouteurs de joie ne va pas bien loin, guère plus loin que le bout d’sa rue, rue dans laquelle s’agglomèrent grand nombre de nos maux qu’eux transforment en mots, travers dont ils font vers, déprimes dont ils font rimes. Par eux, Les saisons de l’amour sont autant d’occasions pour se désunir, se découpler, rompre, divorcer : « Chaque saison me rappelle toi / Qui n’a jamais voulu franchir le pas ». Entre madame qui se tire et le boulot qui fout l’camp, ceux qui se retrouvent SDF (« mais les étoiles / brillent pour nous / et le ciel et la lune / nous font les yeux doux »), les sans-dents, les presque trépassés, la vie s’écoule et, solubles dans les verres et les vers, se fond dans les chansons. Y’a d’la joie même quand, a priori, rien ne l’inspire, rien n’aspire à mieux.
Soyons gré à Christophe Dorémus, Nicolas Ducron, Alexandre Léauthaud, Laurent Madiot et Tom Poisson, nos Fouteurs de joie, de retapisser la déveine en ciel bleu, de l’optimiser, la positiver. Ça fait vingt ans qu’ils font ça et le font bien, d’abord en tournées à chevaux et charrettes, désormais en tournées de centre cultureux et de festivals, toujours en presque acoustique. Il suffit de quelques douilles pour que leurs ampoules s’enguirlandent et festoient comme le ferait un feu de joie ; il suffit de quelques mélodies, de couplets et de refrains pour colorer nos vies. Si, dans les heurts et malheurs, leurs p’tites chansons nous ressemblent, elles nous rassemblent tout autant, dans leur humanité et leurs sourires. Ils sont un baume pour nos bleus et pour nos bosses, un sirop bien mieux que la cirrhose, pour une vie (presque) en rose.
Les fouteurs de joie, Des étoiles et des idiots, autoproduit/L’Autre distribution 2017. Le site des Fouteurs de joie, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là.
J’espère qu’ils me donneront de la joie !
Car je serai à leur spectacle, en Mai 18 au « Train Théâtre » à Portes_lès-Valence, dans la Drôme.