CMS

JePh, on dirait qu’ça s’lève

JePh au Hublot (photo Fédéric Barts)

JePh au Hublot (photo Fédéric Barts)

Retour sur le concert de JePh, le 11 août 2017 à La Cave aux Artistes, Bar du Hublot à Aix en Provence,

Rien ne nous préparait au choc que nous allions éprouver, ce vendredi soir-là, à Aix. Ni l’allure décontractée de JePh, marinière rayée, jeans et blouson assortis, un faux air d’Elvis Presley jeune. Pas même son récent album Pause avec Tournée générale,  que nous avions beaucoup aimé pour ses ballades folk intimes dynamisantes, la radicalité de certains textes bien cachée sous des pétales de rose. Aller voir JePh avec sa seule guitare, je dois bien le dire, m’inquiétait un peu après la richesse des arrangements musicaux de l’album.

Pause est lancée comme s’il nous disait « Pouce ». Avec des cris qui montent et semblent lui échapper… « Il est temps de faire des merveilles ! » Puis nous allons voir tout au long de la soirée littéralement grandir JePh. Les bras encombrés de sa guitare, il ne peut que se hisser de temps en temps physiquement vers les hauteurs, s’étirant vers le haut à petits coups de tête. Avec ou sans micro, a cappella, en disant, en chantant. Se promenant dans son public dans l’étroit passage entre le bar de la cave et les chaises alignées. L’assistance avait-elle  pressenti ce qui allait se passer là ? La salle n’a jamais été aussi pleine que ce soir, record en un mois d’août souvent creux. Mais alors qu’on s’attendait à du rock ou du folk, dans cette cave c’est sur Brel, Ferré ou Leprest que nous tombons. Et on boit ses larmes.

Leprest que Jean-Philippe Vauthier avait côtoyé, il y a près de dix ans, avec Tournée Générale. A son tour de rendre hommage à celui qui leur avait fait confiance, dans une déchirante chanson, L’enterrement d’Allain Leprest : « On avait les yeux sous les poches (…) On avait beau chercher l’annexe / Dessus l’hôtel des cœurs serrés / Il avait pas laissé d’adresse / et pas l’esquisse d’un plan B / Le cœur à l’étroit dans nos vestes (…) au panthéon des gueules cassées ».

A Renaud, il règle son compte avec tendresse, et pour « [son] vieux Renard »  trouve les mots d’une amitié déçue : « Ah mon salaud ! » mais fidèle : « On s’les gèle sérieux d’puis qu’t’a pris pour vingt ans de boucan silencieux »
 
Peu de chansons d’amour dans ce concert, il y aura Petite ( « Tu m’manques déjà ») dont il articule le texte, s’interrompant par des mélodies à bouche fermée,  sifflant parfois, sur cet accompagnement délicat en picking. La fille du soleil, c’est une fille un peu perdue, en [dés]équilibre entre ses désirs contradictoires, entre musique qui  bouge et Fanon, entre kébab et bio. Symbole d’une société schizophrénique qui impose des standards, précarise, stresse, force à la consommation tout en donnant mauvaise conscience.

Jeph est retourné à sa révolte primitive, s’avance au devant du public qui bat des mains, la tension monte, il scande : « Un soleil s’est levé sur une autre planète (…) C’est le début d’quelque chose / On dirait qu’ça s’lève » Il faut rester debout. La tendresse perce toujours à travers la révolte, le rêve reste revendiqué : « Maman je t’écris de ma solitude où j’ai su garder un jardin / Tendre comme nos habitudes / Tu peux donner la main / Dans ce monde qui nous élude »

Un texte pour ceux qui ont voté Marine, « du bon gaulois de souche », précède une réécriture du Déserteur, version novembre 2015, hymne à la Liberté,  à la France au delà des frontières, armée de sa poésie, de son histoire, de ses sciences et de son amour. Il y refuse :  « le drapeau d’allégeance qu’au soir de la violence vous m’avez suggéré »

Car sa définition de l’artiste, dite aux étoiles, le visage seul éclairé, n’est pas dans le dictionnaire : « Il éructe, il aboie, il pleut, comme le ciel que tu vois dans ses yeux. (…)  Il saigne de son temps / Il est le feu ardent/ Un homme ravagé par la colère des gueux / Un cabot délaissé, un ramasseur d’étoile. » Ses mots se font  cris, ordres nécessaires : « Soigne ton évidence / Reviens à l’insensé / Passe le mur des cons / Excommunie la foudre (…) / Fais semblant d’adorer le nuage / Sens le bonheur vivant / Fais parler la rage / Abreuve les étoiles / Empêtre-toi du peu de bonheur immoral » On pense à Ferré, à Bertin, à  Loïc Lantoine. Qu’il chante ou dise, ce sont des fresques de notre époque : 81 et des poussières, survolant vingt années d’évènements marquants,  où le public chante avec lui le refrain : « Fin 80 toi le si fier sans culotte bicentenaire » et toujours ces raccourcis poétiques et percutants : « C’était Charlie sans charlatan / Qui nous mitraillait de dessins / C’était pas tout un Bataclan / Pour aller lever les deux poings »

En rappel, une chanson d’Ferré : il choisit une des plus hermétique, où Léo a laissé son esprit dériver complètement : Le chien. Mais au lieu de la fièvre de Léo, il la dit lentement, sur quelques accords de guitare, avec des colères soudaines : elle y prend une actualité brûlante. Et finit sur un appel à la résistance, à  la démesure, dit, sans guitare, sans micro : «  Fini le bal perdu, il y a le bonjour tristesse (…) Les temps sont à l’austère / Et les cons font leur beurre (…) Fini l’temps des copains, c’est les clients d’abord (…) Au revoir, à Ciao, Badaboum».

 

Le site de JePh, c’est ici ; celui de Tournée Générale, là. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Tournée Générale, c’est ici ; de Jeph, c’est là.

 

Peu de chansons du concert sur youtube, mais des chroniques et Petite. Prochain album prévu au printemps 2018.

Image de prévisualisation YouTube
Image de prévisualisation YouTube

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

code

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>

Archives