Off Avignon 2017. Zorozora, à écouter en boucle
Homocordus, une histoire de la musique, 26 juillet 2017, le Rouge-Gorge, Avignon,
Raconter l’histoire de la musique en une heure quinze, accessible à qui a des oreilles…et aussi des yeux, mais pas forcément de culture ou de connaissances musicales…C’est le défi que ce sont donné ce trio, Charly Astié, auteur compositeur autodidacte à la guitare, human beat-box, et interprète, second prix de poésie « Charles Trenet » en 2013. Et deux musiciens du conservatoire, Hélène Duret aux clarinettes, qui a l’expérience tant de la chanson française que de la musique trad, et Sylvain Rabourdin au violon et à la mandoline, compositeur de jazz, de musique traditionnelle, accompagnateur de nombre d’artistes, de Galliano à Iaross en passant par Cali ou Nicolas Bacchus. Les trois ont aussi des qualités de comédiens, voire de danseurs.
Dans la mise en scène dépouillée de Richard Navarro, nos trois personnages vont nous conter l’histoire de la musique à travers l’invention ou l’évolution des instruments au cours des siècles.
Tout commence au fin fond d’une caverne, par des sons et des onomatopées, de premiers instruments aérophones et à vent en roseau, bien avant de s’organiser sous l’oudjat au son du luth et du tambourin égyptien en des sonorités orientales et des youyous rituels. Fondu enchaîné à la flûte et à la vielle médiévales, du profane au religieux sous la projection de la rosace.
Belle trouvaille comme ce violon que l’on berce comme un nouveau-né… « Che bello ! »
Luth et clavecin accompagnent Hélène en robe de velours rouge dans les madrigaux et tarentelles grand siècle au son du Bel’amore, les chants célestes de Monteverdi s’élèvent pour les débuts de l’Opéra. Avant que « L’Ospedale della Pietà » n’accueille l’abbé Vivaldi jouant les professeurs de violon entre deux bonnes sœurs (admirons la promptitude des changements de tenue). Occasion de réentendre d’orageuses saisons baroques, au son de la flûte et de la mandoline, aussi riches à trois instrumentistes et plus pures qu’avec un orchestre entier.
Cours de langue avec l’allemand de la Chaconne de Bach en plus de l’initiation à la musique, ici la polyphonie (Non ce n’est pas une île, mais l’art de jouer ensemble plusieurs mélodies)…
La distinction entre musique savante et musique populaire est ténue, à l’exemple des danses hongroises de Brahms. Ce chapitre de cette histoire de la musique est idéal pour alimenter les discussions contemporaines sur les notions de musique dionysiaque et apollinienne chères à André Manoukian. Ou les notions de chanson à texte et de variétés qui font s’entre déchirer les amateurs de musique chantée et qui plus est, écrite (et bien écrite).
Voici venir Le temps des cerises et son côté révolutionnaire, revendicateur, qui illustre le rôle de libre expression qu’a toujours eu la chanson. La musique dite du monde trouve son origine dans la plus grande facilité des voyages du XIXeme siècle, le violon klezmer et romantique de Tchaikovsky, avant de repartir sur les chevaux du temps vers le cancan de Paris qui tire ses sources des musiques traditionnelles.
D’un continent à l’autre, la clarinette et le violon si typiques de la musique de l’Est affrontent le banjo de l’Ouest, rejoignent le violon de Paganini qui donne lieu à grande démonstration de virtuosité, avant de se fondre dans la guitare d’Elvis. Font naître le jazz, avec son évocation du blues par la superbe voix d’Hélène, du blues électrique, du bebop, du rockabilly. On reconnaît au passage All the lonely people des Beatles, on envoie du lourd sur le hard rock. Avant d’aboutir à une musique minimaliste, samplée, répétitive et électronique sur un fond d’écran suivant les ondes musicales en une vidéo d’expressionnisme abstrait , illustrée par la danse robotisée d’Hélène. Comme dans tout cours d’histoire la partie contemporaine pourra paraître un peu accélérée, tant ces musiciens pointus nous ont donné l’envie d’en savoir plus.
Quel avenir ? Les instruments traditionnels, guimbarde, kora, percussions corporelles dont nous saluons souvent le retour dans des groupes qui n’hésitent pas à mélanger trad, rock, électro, jazz, java et chanson à texte, instruments acoustiques, sons samplés et musique amplifiée… La boucle est bouclée !
L’humour, presque bouffonnerie se mêle à la virtuosité des musiciens, aux changements de décors pour nous tenir en haleine et nous faire comprendre combien la musique fait intimement partie de nos vies, de notre culture et de notre histoire. Tenant à la fois du spectacle de rue, de la prestation du jongleur de Notre-Dame, de la farce, du concert classique, du ballet et de la comédie, éclatant de jeunesse et de talent, ce cours d’ethnomusicologie s’avère une expérience multisensorielle à partager d’urgence !
Le site de Zorozora, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.
Un grand merci Catherine pour cet article de qualité si bien détaillé. Au plaisir et bel été !
Charly
Voilà un spectacle qui me comblerait.
Des musiques toutes différentes, mais tellement belles.
Des interprètes qui ont du talent et de l’humour.
Merci pour la découverte.
Et Bravo aux artistes!