Malicorne : il n’y aura plus d’après
12 août 2017, Le Chant de marin, Paimpol,
Une page qu’on a cru réouverte s’est définitivement fermée hier, à Paimpol, dans les Côtes-d’Armor : à l’issue d’un ultime concert, Malicorne a pour toujours obturé le chaudron, forcément magique, où ont mijoté tant de ballades traditionnelles, de légendes, de complaintes belles et parfois cruelles. On avait cru le retour, il y a quelques années, de cette formation mythique créée autour de Gabriel et Marie Yacoub (devenue Marie Sauvet) en 1974, à la suite du succès du disque Pierre de Grenoble.
Il avait suffit de la re-création par nature exceptionnelle de Malicorne en 2010 au Francofolies de La Rochelle, à l’instigation de Gérard Pont, lors d’une carte blanche à Gabriel Yacoub, pour que renaisse en eux comme en nous la folle et déraisonnable envie de Malicorne. Malicorne se recrée officiellement en 2011 sous le nom de Gabriel et Marie de Malicorne avant, bon sens oblige (chassez le naturel qu’il revient au galop), de recouvrer son nom d’origine.
Par deux fois (Aubercail, puis Lyon), j’ai eu l’occasion de fêter les retrouvailles avec Malicorne après plus de trente ans d’absence. Pour tenter le retisser le fil qui nous lie, ces petits cailloux blancs qui balisent le chemin et nous font retrouver ce que nous fûmes, ce que nous avons farouchement aimé. La musique était devenue plus puissance, plus sûre encore. Les polyphonies étaient certes plus laborieuses, par manque d’exercice, de pratique, de concerts. Les nouvelles chansons dans l’ensemble moins probantes. Mais c’était bien Malicorne, avec le retour un temps du violoniste Laurent Vercambre, et un répertoire qui peut encore faire rêver les jeunes d’aujourd’hui. On y venait retrouver ce qu’on a aimé, mais cette fois-ci avec ses enfants, nés depuis. Et ses petits-enfants, pour la transmission, pour cette passion qui jamais ne nous a quitté. Le prince d’Orange, Marions les roses, La fiancée du timbalier, L’écolier assassin, Salut à la compagnie, Le luneux… c’était reparti pour un truc intemporel, fascinant, avec pour pierre angulaire cette voix, encore nasillarde, de Gabriel Yacoub, devenu le plus grand de nos folk-singer français, à l’égal de ses confrères étasuniens ou celtes.
Malicorne fut un chaudron dans lequel nous avons tous versé nos émotions. Malgré de bien longues éclipses, il est fait de presque un demi-siècle de chansons que l’obsolescence ne saurait frapper. On chantera Malicorne longtemps encore ; eux ne chanteront plus : «?On voulait vous remercier pour la fidélité, pour l’amour que vous nous avez apporté durant toutes ces années. Merci infiniment.?» L’émotion était tangible, palpable, hier à Paimpol. Pour eux, il n’y aura plus d’après. Merci d’avoir existé.
La page Wikipédia sur Malicorne, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là.
Et bien oui, ça fait un peu mal… Et en même temps, c’est un geste sain. Il
y a un moment ou il faut savoir terminer une aventure. Si un groupe doit se prolonger jusqu’au bout, vaille que vaille, est-ce réellement une bonne chose? Je serais malade de voir un groupe que j’ai aime – ou un artiste en général-se faire un devoir de continuer à monter sur scène pour ne pas décevoir les fans. Même si les voix ne sont plus que l’ombre d’elles-même, la justesse des instruments approximatives et le répertoire uniquement constitue des mêmes reprises, celles-ci perdant un peu plus avec le temps. Ca sonne apocalyptique, mais je me suis senti mal en écoutant des artistes ces dernières années, qui produisent des disques super, grâce a la technique, mais qui ne peuvent éviter les embuches d’un concert public. Autant rester sur un bon souvenir, non?
Je suis bien d’accord avec vous, Henri Schmitt. Mais j’ai bien peur que Malicorne se soit refondé après que la date limite fut dépassée…
Invitation à écouter le micro-entretien de Gabriel Yacoub :http://microentretiens.canalblog.com/archives/2013/10/30/32988244.html