Avignon Off 2017. Le Caribou volant, l’énergie du futur
26 juillet 2017, Théâtre des Vents à Avignon,
Un caribou volant ? Ça n’existe pas, aurait dit Desnos. Ce caribou là fait sa part du colibri, dirait Rabhi. Duo pétillant franco québécois, elle, Ninon Moreau à la guitare en petite robe noire, lui, Yoan Giansetto, dit Lao Ché, chemise blanche et pantalon rouge, une flûte traversière sortie de sa valise, pour faire la révolution tranquille contre les costards-cravates. Vous savez, « la meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler ». Alors non, eux préfèrent chanter et jouer de la musique, tout en militant pour un monde meilleur grâce à leurs « chansons biologiques ». Et même si ça demande une énergie et un talent bien supérieur.
Deux éléments dont ils ne manquent guère, tant ce concert, outre l’agrément apporté à nos oreilles, sera euphorisant.
S’ils n’ont pas inventé la chanson festive engagée, ils y apportent une contribution mémorable. On apprécie la fusion naturelle entre une longue tradition de violon à danser endiablé (elle), avec des instruments mélodiques comme la flûte (lui), et une influence plus jazz et contemporaine avec les guitares.
Les voilà dénonçant au pluriel dans l’inédit Crises en thème la supposée « crise » source externe et providentielle de tous nos maux : « crise du pouvoir, crise du savoir, crise économique et crise politique, la positive attitude nous méprise, la négative convoitise nous attise ». C’est une ébullition de mots qui s’empilent, se percutent pour mieux jouer, pour mieux dénoncer. Merci Yoan pour son inventivité.
Le violon est là pour rythmer le duo qui se répond, pour s’interroger sur le sort de ces enfants de la guerre qui « marchent vers d’autres terres ». Ou, co-écrite avec des enfants de CM2, « Où Y’a pas d’eau y’a pas d’âme ». Non, la révolte n’est pas triste, elle pourrait bien faire lever des germes. Par exemple contre la désertification des centre villes qui n’a malheureusement pas lieu qu’au Québec, disparues les petites boutiques, l’école et la vie, enfuie l’activité « vu qu’il est tombé une bombe sur la rue principale / depuis qu’ils ont construit le centre d’achat, le MacDonald ».
L’humour monte à l’assaut avec Lady Ninon sous les rouges flashlights, parodie très réussie des chanteuses françaises yaourtant en anglais, « Yes she loves the money / Yes she loves the Queen » avec une pique directe à Christine & The Queens. Se moque de notre monde de réseaux avec le très enlevé Google my google : « Like ! », et son hilarant jeu de scène avec échange des voix. Se joue de la plaie du Québec l’été, Les maringouins, moustiques énormes déjà chantés dans une autre chanson par La Bolduc : « J’suis leur poutine à ses barbares ». Si la nostalgie est bien là, ce n’est pas celle du « C’était mieux avant », mais celle « du futur, plus optimiste et moins obscur » qui nous incite : « Allons de l’avant ». On pense à Sinsémilia, à Volo.
Mais ce duo manie aussi la tendresse d’une charmante façon, les yeux dans les yeux, dans une douce mélodie qui se mue en cours de route en chanson jazz très Django, la belle Automne. Le quota de chansons d’amour, nous disent-ils, sera atteint, grâce à une chanson pleine d’humour sur les amours virtuels : « Où se trouve la source de l’émoi ? – Et toi ? »
L’histoire du garçon à la flûte né sur les berges du Saint-Laurent renoue avec la tradition des conteurs québécois grâce à la douce voix de Ninon, aux accents merveilleux de la flûte de Yoan. Qui enchaîne en chantant en faisant sonner les mots, cherchant son amour à Paris, évoquant Prévert, citant Apollinaire [Sous] le pont Mirabeau. C’est poésie, c’est bonheur, tant ce duo semble bien accordé dans ses voix fraîches et justes, comme dans ses sentiments.
« Y a des mots qui guérissent les maux ». Merci à eux !
Le Caribou volant, c’est déjà deux albums, Epique Epoque, 2010 et Graine de vie, un quatorze titres de 2016, et un troisième en préparation. Actuellement en tournée dans toute la France, ils seront de retour à Avignon le 27 septembre pour le Festival de la chanson vivante. Leur site c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.
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