Barjac 2017. L’hommage à la femme Fontaine
Sauvé dans En scène, Festivals
Tags: Barjac 2017, Brigitte Fontaine, Hervé Suhubiette, Lucas Lemauff, Nouvelles
C’est un chant partagé, qui parfois déchante au sens où il ne chante pas tout le temps ; qu’il dit, décrète, assène ou assainit parfois. Mais, je vous le jure, enchante, si on se cale bien sur la bonne fréquence de ce qui n’était pas encore la FM mais la TSF. D’ailleurs, la Fontaine coule de source, en phrases incongrues, insolites, magiques, dans la radio allumée sur le devant de la scène. Ils sont trois à se la mettre en bouche, en croquer les meilleurs morceaux, ceux des temps anciens, des temps Saravah, pas de la période star fantasque et foutraque qui suivit après un temps d’oubli, sa renaissance en diva divinatoire qui réaffola les bien-pensants et alerta les kékés.
Les toulousains Hervé Suhubiette, Eugénie Ursch et Lucas Lemauff* font gourmandise sans pareil d’un florilège de Brigitte Fontaine à une, deux ou trois voix et pas mal de combinaisons, collection de timbres qui, s’ils sont quelque peu oblitérés n’en portent pas moins des propos frappés au coin du bon sens. Ou du non sens.
Cette Fontaine-là ruisselle, fait lit et en déborde souvent : ça fait crues de propos qui le sont tout autant, l’équivalent sonore incongru d’un Averty qui, souvenez-vous, en valait largement deux.
« Moi j’mange de la bouse de vache / Y’a bien du pain blanc / Mais c’est pour le patron… » Il eut été possible de reprendre les fabuleuses chansons de la Fontaine dans le même jus, le même liquide amniotique. Mais nos trois de la ville rose ont eux-aussi de la culture qu’ils importent et injectent dans leur sélection. Tant que parfois les nouvelles interprétations virent non sépia mais trad’, comme s’ils voulaient leur conférer une once supplémentaire d’intemporalité, comme si le déjanté devait être fixé pour l’éternité, rangé dans le classique, quasi La Pléiade, avec son cortège de provocs et d’aphorismes : « L’amour c’est du pipeau / C’est bon pour les gogos », « Dieu est un grand malpoli / J’lui confierai pas mon petit », « La nuit est une femme à barbe / Venue d’lspahan ou de Tarbes »… Que des éclats de mots et de notes. Des mots, juste des mots, pour faire leur raisonnable bruit.
Lemauff, Ursch et Suhubiette ont fait oeuvre utile, de nous restituer le B d’avant la Fontaine, déjà folle mais bien plus libre, surréaliste, un bout d’Histoire de la chanson un peu oublié, l’heure du biberon avant que le bébé soit né tant il est vrai qu’on évolue là dans le plus réjouissant n’importe quoi qui soit. Nos trois-là n’ont pas jugé bon d’exposer leur lecture, leur regard à l’intéressée. Leur excessive timidité est grand tort : je vous fiche mon billet que la reine des Kékés apprécierait et les annoblirait.
*outre trente minutes dont la version par eux décalée de Cet enfant que je t’avais fait, manque à l’appel cette fois-ci Ferdinand Doumerc.
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