Barjac 2017. François Morel, au vrai chic de la chanson populaire
Sauvé dans En scène, Festivals
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« Je n’sais plus trop qui a dit / Elle est pas belle la vie ? » qu’il nous chante. Qu’il me soit permis d’avoir une petite idée sur la question après avoir vu François Morel en scène. Mais déjà j’anticipe, revenons au début. « Au début du film, on est dans la brume / On sait pas du tout… »
On le connaît du temps des Deschiens, aussi comme figure de proue d’une radio par lui toujours arrimée, mais si peu, à l’idée idéalisée d’un service public. Etonnement moins comme chanteur, bien qu’il le soit de surcroît. Barjac n’avait pas encore songé à l’inviter : non seulement c’est désormais chose faite mais Morel vient d’inscrire son prénom (son nom, lui, est partagé, comme on le sait) en lettres d’or dans la mémoire de ce festival. Je dis qu’on ne le connaissait pas ou peu dans ce statut et pourtant rien ne nous surprend, car il est, en scène, même dans ses habits de chanteur (tout noir du chapeau aux chaussures, avec chaussettes rouge, ce qui est d’un chic), tel qu’on le sait déjà : épris de belles choses, lettré et populaire à la fois, chroniqueur, acteur et comique. Le Morel chanteur est la synthèse de tout ce qu’est et fait Morel. Il est là et le public l’accueille sans réserve. En bout de course, il lui fera même une bien belle et sincère ovation.
Oh, ce n’est pas Caruso, mais Morel chanteur s’inscrit dans le grand livre du spectacle. D’ailleurs, ce livre, il le tient en mains et le lit devant nous pour mieux savoir le geste, la réplique et la chanson d’après. Depuis le temps qu’il en rêvait : « Plus tard, j’f’rai chanteur / C’est encore long l’enfance… » Ce qu’il chante, des trucs futiles, inutiles, des riens qui font tout, des morceaux de bonheur qui, pour longtemps, font leur effet d’émotion. Parfois des choses graves, contrecarrées sur l’instant par une pirouette, un trait d’humour. Sans être apparents, le nez rouge et les yeux de loup à la Tex Avery sont aussi là : Morel ose tout dans les préliminaires, la séduction, avec une classe qui vraiment n’appartient qu’à lui. A mon tour, j’ose, je le dis : Morel a la classe d’un Reggiani, en un exercice de music-hall maîtrisé de bout en bout, dans un nuancier de tons qui semble convoquer tout l’arc-en-ciel : on y rit, on y pleure presque en simultanée. Qui même se confronte aux grands classiques : La marche nuptiale, partagée avec son homonyme Gérard, La folle complainte de Trenet et Au suivant, interprétation qui, ma foi, force le respect…
S’il aime sembler gauche, tout chez lui est tiré au cordeau, le hasard n’a pas sa place. Chaque geste, chaque texte concourent au tour de chant. Tout nous est culture commune, bien partagé. De l’interminable baiser sur le grand écran (« Comment ils font ? ») à ce monsieur Ramirès, qui, bien qu’ayant ses points retraite, lance toujours ses couteaux… jusqu’à la lame de trop, ultime tranche de vie. Oui, c’est ça Morel, des tranches de vie, d’humilité, d’humanité, des histoires simples, des rêves projetés, des désirs d’existence et leur réalité souvent contrariée.
Morel est un grand monsieur. Si vous l’avez déjà vu, vous le savez ; si vous en doutez, allez le voir si d’aventure il passe dans votre quartier de vie. C’est vous, c’est nous qu’il chante, nos vies fragiles, provisoires, touchantes…
François Morel est sur scène avec une équipe qu’on lui envie, dans un exercice rodé au quart de poil, radieuse complicité où le talent et l’amitié ne donnent pas leur part au chien. Citons-les pour que tous accèdent à la postérité : Amos Mah au violoncelle, contrebasse et guitare, Muriel Gastebois aux percussions et batterie, Sophie Alour aux saxo et trombone, et Antoine Sahler, le complice de toujours, aux piano, claviers, trompette et bien d’autres choses encore.
Même ressenti.
Spectacle dense, mise en scène ciselée, mais pas rigide, excellents musiciens, chaleur humaine généreusement offerte.
Votre article me réjouit.
La plus belle soirée de mon été je pense.
Talent, modestie, partage avec les musiciens, l’artiste qui assure la première partie et le public bien sûr.
Il est des moments magiques où tout semble réuni en un point d’équilibre miraculeux pour que l’on se sente vivant, heureux et humain, ce soir là à Barjac en était un grâce à François Morel.