Avignon off 2017. Christina Rosmini dans les mots de Brassens
Tio, par Christina Rosmini,
Ceux qui passeront leur chemin en se disant « encore des reprises de Brassens ! » auront grandement tort.
Même si quatre-vingt-dix pour cent du spectacle Tío est composé des mots, des chansons, du journal intime, des interviews de Brassens… il ne s’agit absolument pas d’un énième « hommage » !
Comme toute sa famille aux multiples origines, Christina s’est nourrie des chansons « populaires » diffusées à la radio. Immigrés venus des rives de la Méditerranée (Corse, Espagne, Italie…), tous se sont élevés, fédérés, émancipés, intégrés grâce à ces auteurs, de Tino Rossi à Jean Ferrat ou « Tío Georges », le Sétois… un voisin de cette Marseillaise de naissance et de cœur.
Et après avoir faites siennes les chansons de Brassens, Christina les a détricotées pour, comme le faisaient nos mères avec nos vieux pulls de laine, en fabriquer un nouveau spectacle riche de toute cette humanité qui habitait notre oncle universel.
Nos mères rajoutaient une pelote neuve à la laine récupérée. Là, ce sont quelques chansons issues du vécu de Christina qui agrègent les mots de Georges, fédèrent les textes. Ce spectacle redonne de la chair, de l’humanité aux chansons de Georges. Ce ne sont pas des « reprises », ce sont des réinterprétations, une appropriation, un apport personnel de chair, de sang, de rires et de larmes, d’histoires, de rythmes, d’instruments, de danses, d’anecdotes… le tout en français et en espagnol.
Le décor, sobre, nous place sur un port du Sud : filet de pêche et projection de mer en arrière-plan. Les tableaux se succèdent : arrivée de la famille maternelle en gare de Marseille, rencontre avec la famille paternelle… un petit tour à la chasse aux papillons et naissance de notre héroïne. Une petite visite dans sa maison « miraclifique » de sept étages par temps calme et de six les jours de bourrasque ! Les chansons, la plage, la mer, l’enfance ensoleillée, les vacances… et puis les manifs de la rentrée, sur le Boulevard du temps qui passe. L’écriture des premières chansons, parce que tout le monde chante à la maison. Première en classe, pour faire plaisir et prouver son intégration… elle renonce à la chanson pour devenir prof. Et puis, la passion est trop forte et elle renonce à renoncer !
Mais on retrouve un peu de la prof d’espagnol lorsqu’elle passe du français à l’espagnol pour interpréter le Saturne traduit par Paco Ibañez.
Tout ce spectacle est chanté, raconté, dansé, accessoirisé, mis en musique, « bruité » par Christina, à l’aide d’instruments traditionnels : bracelets de sonnailles aux chevilles et aux poignets pour louer Amma, cymbales aux doigts pour rythmer une splendeur : Gastibelza, reprise et magnifiée par la voix et le rythme donné par les trois musiciens.
Deux musiciens exceptionnels accompagnent Christina dans cette promenade : Bruno Caviglia à la guitare et Xavier Sanchez aux percussions (la mise en scène est de Marc Pistolesi et l’accordéon de Sébastien Debard, en bande-son).
À trois, ils réussissent l’exploit de magnifier l’œuvre de Brassens, de la relier à la spiritualité qui traverse les âges, de Guernica à l’enseignement d’Amma, mêlant l’esprit anarchiste à la fraternité des peuples issus des civilisations de la Méditerranée, aux Copains d’abord, à l’Oncle Archibald et au curé qui dit La messe au pendu.
Sûr que le filet tendu comme décor par Christina va prendre bien des cœurs au piège… je suis persuadée que nul ne s’en plaindra. Il doit faire si doux dans la chaleur et la lumière répandues par cette artiste si riche et si généreuse !
Tio, itinéraire d’une enfant de Brassens au Grand Pavois (13 rue Bouquerie) tous les jours à 21h15 (relâche le mardi 25). Le site de Christina Rosmini, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
Rétrolien Jazzbox-radio « TIO, itineraire d’une enfant de Brassens »