Spa 2017. Slimane nous montre sa voix
21 juillet 2017, Francofolies de Spa,
Un festival comme les Francos de Spa est obligé de ratisser large s’il veut maintenir son assise populaire. Au risque de rendre floue la ligne qui guide les choix des organisateurs. Soyons toutefois de bon compte, vouloir accueillir toute la chanson, sans ornières ou idées préconçues, est une noble intention : au nom de quel bon goût définitif faudrait-il bannir certains artistes ?
Ceci pour dire que les Francos de Spa, qui au départ défendaient une certaine idée de la chanson française, en sont très vite arrivées à devoir programmer des chanteurs de variété sans haute valeur artistique ajoutée. Hier, c’étaient des Natasha Saint-Pierre ou des Garou, aujourd’hui ce sont les chanteurs issus des émissions de télévision. On peut d’ailleurs le comprendre quand on voit le monde qu’ils attirent immanquablement. Il y a un public certain pour ceux-ci, qu’il serait bien prétentieux de snober.
Ainsi, après Claudio Capéo jeudi, c’est Slimane qui affrontait les projecteurs ce vendredi. Au cas où vous l’ignoreriez, Slimane est le gagnant de la saison 5 de The Voice : La plus belle voix. L’affaire n’aura pas traîné puisqu’il ne sera écoulé que deux mois entre sa victoire (en mai 2016) et la sortie de son premier album A bout de rêves. Une tournée s’en est suivie, avant déjà un deuxième album annoncé pour cet automne 2017. Bel exemple d’artistique couplé à l’industrie (après tout, la situation était-elle si différente pour les chanteurs des années 60, qui enchainaient les disques comme on enfile des perles ?). Mais au fond, qu’importe le contexte ! Le passage par l’émission lui aura permis d’accéder très rapidement à la notoriété, c’est un fait. Reste à présent à juger de la qualité de ce qu’il nous propose.
Vêtu d’un grand manteau et d’un bonnet noirs, comme sur la pochette de son CD, Slimane établit tout de suite le contact avec le public. Il inspire indéniablement la sympathie et se la joue modeste. Il a en outre l’idée originale de s’être entouré d’un danseur et d’une danseuse, qui viendront ponctuer de temps à autre son tour de chant de leurs prestations. Lui-même se prêtera au jeu et esquissera à plusieurs reprises quelques pas de danse. Bref, une sorte de mix bienheureux entre Stromae et Florent Pagny.
Tout cela est malheureusement au service de chansons de variété sans grand intérêt poétique. Tout y est surligné pour faciliter la compréhension et les thèmes abordés sont on ne peut plus consensuels et bateau : hommage lacrymal à la maman (« Quand tu seras sur ton dernier lit je te chanterai des chansons / Tu pourras dormir en paix dans les bras de ton garçon »), peine d’amour inconsolable (« Souvent, je me demande où j’en serais, sans toi / Souvent, je me demande ce que tu fais, où tu es, qui tu aimes / Sors de mes pensées »), espoir d’une vie meilleure (« Paname, Paname, on arrive / Moi ma gueule et mon sac à dos / Paname, Paname, on arrive / Moi mes rêves et mes chansons »)… Rien là-dedans qui puisse heurter. Mais à notre époque où le cynisme fait rage, on est en droit de penser que cette naïveté dans les bons sentiments est rafraîchissante.
Si son répertoire n’est pas bouleversant, l’homme fait l’unanimité sur un point : il chante très bien ! A priori, sa première place à l’émission n’était pas usurpée. Et comme la faiblesse de ses chansons est compensée par l’énergie qu’il dégage et l’entrain dans lequel il emmène son public, on passe ma foi un moment agréable en sa compagnie. Ni plus, ni moins. Ce n’est déjà pas si mal…
Le premier album de Slimane s’appelle A bout de rêves, et il incarne certainement le rêve et l’espoir de réussite de beaucoup de ses admirateurs. Il est l’auteur et le co-compositeur de la plupart des chansons de ce premier CD, écrites souvent très jeune à 17-18 ans d’après ce qu’il confie, a participé avec ténacité à plusieurs concours depuis ses vingt ans avant d’être récompensé, s’exprime et se défend bien en interview. On rêve, nous aussi, à ce qu’il pourrait donner, bien entouré, pourquoi pas un artiste populaire dans le bon sens du terme tel Yves Montand ou Edith Piaf ?
Pour être pointilleux, notons que l’extrait cité » Souvent, je me demande où j’en serais, sans toi / Souvent, je me demande ce que tu fais, où tu es, qui tu aimes / Sors de mes pensées » est une reprise de A fleur de toi de la chanteuse Vitaa.