Pourchères 2017. Liz, t’es l’or !
8 juillet 2017, La Chansonnade, Pourchères,
Les moments les plus forts de ma vie de spectateur m’ont marqué à un tel point que je m’en souviens comme si c’était ce matin. Et quand on voit un artiste pour la première fois et qu’il nous touche comme rarement on l’a été, on sent bien qu’il va devenir quelqu’un dans ce milieu, si les choses tournent comme elles devraient le faire.
Et hier après-midi, j’étais ce matin…
Jusqu’alors, j’avais bien entendu parler de Liz Van Deuq, mais sans jamais l’avoir vue, ni même eu la curiosité d’écouter son travail. Aussi, étais-je en terre inconnue, au moment où la jeune femme monta sur la scène, avec cet incroyable panorama naturel des monts ardéchois en toile de fond. Et ce qui, d’emblée, m’a frappé, c’est le rapport qu’elle instaure avec le public : avec sa posture singulière de pianiste chanteuse, de ¾ face à l’assistance, avec des regards souriants et insistants, elle happe illico l’attention et provoque la tension. Au point qu’on ne sait pas si c’est du lard ou du cochon, tant cette attitude est intrigante.
Et puis, elle démarre son récital avec une chanson intitulée « Éteinte« , qui nous raconte une rupture qui s’est mal passée et qui se clôt ainsi : « Sortie de ma cure de désintox, est-ce que ça marche le Stilnox, sur la box ? ». Sacrément culottée, la meuf ! Et merci de ne voir aucune misogynie de ma part dans cette appellation, please : je dis « meuf » comme je dis « keum » ou « mec »… c ‘est que j’ai grandi dans les quartiers, moi…
Et elle finit à peine sa chanson, qu’elle nous interpelle comme si on venait de lui reprocher un truc : « Bon… quand on est chanteuse et pianiste, il est obligatoire de faire des chansons d’amour. Je vais donc vous en faire une tout de suite : comme ça, on sera débarrassé ! » Bon… OK… le ton est donné. Et elle y va à donf, avec « Mamour« : « Moi, je vais lui en faire voir de toutes les couleurs, à l’amour. Moi, je vais aller lui faire sa fête, à l’amour. » On comprend donc bien vite que la demoiselle n’est pas vraiment du genre à subir sa vie, mais plutôt à prendre le taureau par les cordes. Par les cordes tendues de son piano sur lequel ses doigts martèlent et tricotent des mélodies qui se marient formidablement bien avec ses paroles intrigantes, rentre-dedans ou caressantes (selon le caractère de la chanson).
Et c’est dans cette attitude-là, dans le rapport que son corps a au piano, dans son toucher vibrionnant ou délicat, dans la puissance légère de notes tenues par une voix à issues multiples, qu’elle m’a fait penser à une Véronique Sanson de la plus belle époque. Celle qui, alors que j’étais gamin, parvenait à m’enthousiasmer ou à m’émouvoir, alors que je ne comprenais alors même pas le sens de ces mots-là. J’ai même vu passer l’espace d’un instant le mirage incarné d’une Nina Simone moderne. Je ne sais pas encore pourquoi, mais cette présence-là de Liz m’a « ire aimée diablement » entraîné vers ces incarnations fortes d’une féminité assumée et d’une aura irradiante.
Et tout est à l’avenant avec l’avenante orléanaise. Avec des changements de tempo, de climats, d’interprétations,… au point qu’elle peut se transformer en abeille mutine (« Le béguin », très drôle avec sampler et 100 reproches) ou en chirurgienne cardiaque (« Le cœur est un muscle », fort troublante), en passant par une auto-psy décapante : « Faut que tu t’analyses Liz, faut que tu bouges, faut pas qu’ tu t’enlises dans tes doutes, dans ma tête explose la névrose, celle qui m’ankylose à petites doses. Qu’est-ce qui te déguise, Liz, tes déroutes, celles qui te nuisent te dégoûtent, les échecs s’imposent, overdose et ils te réduisent à toi-même, Liz. » (« Anna-Liz »).
Et l’espace entre 2 chansons est toujours le théâtre d’un jeu drôle entre ces différents personnages qu’elle campe avec un aplomb sur le fil et ce public qu’elle balade à sa main, tellement elle est parvenue à le mettre dans sa poche. Mais, en réalité, ces différents personnages ne font qu’une. Car ce sont les multiples facettes de cette drôle de dame d’aujourd’hui. Celle qui, entre doutes hilarants et inquiets (« Disque d’or » a capella), militance assumée, comme défenderesse de l’environnement (« Beaux joujoux », dans une ambiance de No Hell) ou d’une certaine forme de liberté sexuelle (« Cinq ») et footage de gueule grinçant (« Supporter »), ne laisse pas la place aux mauvais coucheurs qui auraient vraisemblablement envie qu’une femme n’aille pas sur ce genre de terrain. Mais, c’est justement parce qu’elle est tout-terrain que Liz Van Deuq balaye d’un négligent revers de la main toute éventuelle réticence qui viendrait se mettre en travers de son chemin lumineux. Et même si, parfois, il lui arrive de se prendre une veste (T’es comme le vent), j’ose croire qu’elle ne sera pas reconnue à titre costume, mais dès demain.
Car vous aurez compris (ou alors reprenez la lecture de ce papier depuis le début) que Liz Van Deuq est, à mes sens éblouis et reconnaissants, une véritable révélation ! Et pour cela, mais aussi parce qu’elle est parvenue à me faire prendre hier après-midi pour ce matin, que je l’applaudis des deux mains.
Le site de Liz Van Deuq, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
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