Babx, là-haut, tout là-haut !
« Après le 13 novembre, il a fallu tout arrêter. Puis tout recommencer. Vite. (…) Ce disque n’est qu’une trace de vie – parmi tant d’autres – qui revient à elle-même, sonnée mais obstinée. (…). Jouer à la musique comme on joue à Zorro. Défier Dieu avec des pistolets à bouchon. Mais ne pas se laisser faire. Ne pas LE laisser faire. Reprendre là où l’on a commencé. À la vie ».
Cet extrait de la fulgurante déclaration d’intention reprise au verso du livret permet de situer immédiatement l’enjeu de ce cinquième disque de Babx. Un cri de vie arraché à la mort. Une victoire de la poésie sur l’obscurantisme. Un vol de musique pour couvrir les détonations guerrières. ©Françoise Larouge
Disque exigeant que celui-là. Qui flirte avec le free-jazz mais dans une formule dépouillée s’articulant autour du piano-voix. Appelant même la légende du sax Archie Shepp à la rescousse, pour un ultime morceau en liberté. Nous sommes loin des standards pop ou du rock rentre-dedans. Pas de révolte ou de colère tonitruante, mais des larmes contenues. Pas de battements de pieds trépignants, mais une mélancolie noire, une tristesse digne, une foi dans la vie, une spiritualité bienveillante.
Le CD s’ouvre et se ferme sur la trilogie Omaya. Trois morceaux (un instrumental rageur au centre) consacré à Omaya al Jbara, combattante et résistante irakienne à l’E.I. Ode à la dignité et à l’amour. Omaya repose sous le mandarinier, nous chante l’artiste, une tache au cœur comme un bouton de rose (comme jadis un certain dormeur du val avait deux trous rouges au côté droit, ou comme fleurissait le petit coquelicot de Mouloudji). D’emblée l’émotion nous étreint. Elle atteindra son apogée avec le sixième morceau du CD, Le déserteur, consacré – sacrilège ? – au tueur du Bataclan reposant dans une tombe anonyme. Chanson aussi poignante qu’osée dans son approche (considérer l’assassin comme un être humain !) : en définitive, à quoi cela lui a-t-il servi d’avoir semé le malheur (y compris auprès des siens qui le pleurent aujourd’hui) : « Et dans ce matin d’hiver / Où pleuvent les corbeaux / De personne / Tu ne seras le héros ».
A côté de ces deux pics d’émotions, le court album nous offre aussi un morceau consacré au général Sarkozy contemplant Tripoli en feu de son hélicoptère, un psaume moderne enregistré sur vocoder (et difficilement compréhensible sans le texte sous les yeux) et une chanson d’amour universel pour faire briller la vie, avant de s’achever sur la reprise a capella par un réfugié soudanais d’un extrait d’une vieille chanson à la gloire du tango !
Avec ce CD, intitulé Ascensions, nous sommes évidemment à mille lieues des disques formatés pour les radios. Babx se produit lui-même, sur son propre label, et a décidé d’user à plein de cette liberté. Saluons l’audace et le courage de l’artiste. Et plongeons et replongeons dans ce puits d’émotions. Qu’il est bon parfois de se laver de ses propres larmes.
POL DE GROEVE
Babx, Ascensions, Bisonbison/L’Autre distribution 2017. Le facebook de Babx, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Consultez ici la page facebook de Françoise Larouge.
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