Monsieur Lune : un disque de Renaud à lui tout seul
À la question « Faut-il encore chanter Renaud ? », NosEnchanteurs a déjà répondu, notamment il y a peu, profitant du concert de François Gaillard et Frédéric Bobin. Au reste, nous avons déjà dit le plus grand bien des disques rénaldiens d’Olivier Trévidy et de Licenciés d’chez Renaud (mais pas des deux La bande à Renaud, hommages commerciaux et sans âme produits par Universal). Et du récent de Gauvain Sers, non puisé dans le répertoire de Renaud, mais à l’évidence agréablement baigné de cette culture.
Renaud pourrait à présent disparaître, en vrai comme au figuré, qu’il nous restera, même en scène. Non forcément en hologramme, non par des clones mais par des repreneurs multiples et variés. Qui plus est sincères. Au-delà du chanteur que le bizness presse comme une orange pour en tirer des sous tant qu’il peut encore chanter (son dernier album s’est écoulé à 720 000 unités en 2016, le record de l’année !), il y a l’œuvre, le répertoire : un trésor pour qui s’emploie à le faire vivre.
Monsieur Lune (Nicolas Pantalacci, de son vrai blaze) ne fait pas semblant. Tout nous renvoie à ce fameux Un Olympia pour moi tout seul de janvier 1982, tant le titre de l’album que son visuel avec ce fameux totem qu’est le bandana rouge : tout pour bien identifier la démarche. Qui plus est la voix de Monsieur Lune n’est pas bien éloignée de celle de Séchan, avec ce voile qui pour le coup fait gage d’authenticité. Un timbre juste un peu plus lumineux (c’est imperceptible, mais) et plus « jeune » que l’original dans sa meilleure période. Comme le fruit d’un élégant et fidèle travail de restauration. On restaure des toiles de maître, pourquoi ne pas le faire avec Renaud ? Toilettage aussi, ici et là, de l’orchestration : c’est parfois pas mal, quelques idées sympas, et parfois… Comment dire ? La musique sort de machines : pourquoi pas ? Mais ça s’entend trop et ruine un peu tous les bénéfices déjà énumérés. On peut ne pas supporter la musique en boîte. « 90% de l’album a été enregistré live, comme pour donner aux chansons la rugosité et la fragilité dont elles se nourrissent et dont elles ont encore besoin » lit-on dans le prière d’insérer. Il aurait mieux valu enregistrer tout en studio, avec de vrais morceaux de musiciens dedans : c’est autrement plus délicieux, plus chaleureux.
Comme pour Gaillard et Bobin, comme pour Licenciés de chez Renaud et pour Trévidy, le répertoire visité n’est pas celui de la tendresse, ou si peu, mais explore la veine sociale des rimes de Renaud, « histoires de loosers magnifiques » éclairées par le grain enfantin de Monsieur Lune qui les chante comme s’il se régalait d’histoires de western. C’est marrant comme les premiers repreneurs de Renaud hésitent encore à pénétrer l’intime du chanteur. Un peu comme Ange qui, en 1973, avait repris Ces gens-là, de Brel, sans oser toucher à Frida.
Monsieur Lune, Un Renaud pour moi tout seul, L’équipe A/L’Autre distribution 2017. Sortie le 23 juin 2017. Le site de Monsieur Lune, c’est ici.
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