Souchon. Le reprendre c’est aussi lancer des balles, mais moins bien, moins loin
Bon, c’est vrai que nous sommes instruits des précédents disques, les hommages à Dutronc, Ferrat, Balavoine, les deux Renaud, les deux Goldman aussi… Aucun n’est un grand disque, loin s’en faut. À se demander comment il est possible de saper de tels pans du patrimoine ?
C’est dire si, avant de poser le disque sur la platine, la crainte est grande. Parce que c’est Alain Souchon, qu’avec lui on ne vas pas se quereller pour savoir si c’est d’la chanson ou d’la poésie, si c’est truc mineur ou art majeur. C’est du Souchon et ça vole haut, loin devant tout le monde. Souchon tutoierait bien Dieu mais… « si en plus y’a personne ».
Le visuel est sa silhouette, précise et malhabile à la fois. Comme une sérigraphie pas nette sur les bords, l’encre bouffée par les solvants. Un titre, Souchon dans l’air, déjà comme une rumba. Une indication, Disque 1, pour déjà nous faire languir du suivant.
Alors ? Bilan mitigé, rien que ça est déjà une surprise. Du banal, du raté, du sous-Souchon. Mais deux ou trois reprises qui, à elles seules, méritent le détour et nos bravos. Victoire nette et sans bavure des dames (Vanessa Paradis et Le baiser, Izïa et La ballade de Jim, Juliette Armanet et Ultra moderne solitude, Brigitte et Allo maman bobo. Et, sans conteste, Jeanne Cherhal : on y revient). Même si notre préférence pourrait aller à Foule sentimentale, joué par Chilly Gonzalès : musical, sans paroles, limite musique classique : c’est assez remarquable.
Tout serait bien, ou disons pas mal. Tout. Sauf que, mis à part Cherhal, aucune nouvelle interprétation n’apporte quoi que ce soit à l’originale. C’est toujours en dessous. Jamais aucun titre n’est travaillé de façon à ce que le nouvel interprète se l’approprie, en fasse re-création. On prend la partition originale, les mêmes arrangements, quasi les mêmes orchestrations, et on chante dessus comme le ferait Souchon. Ça fait travail de fainéants : une heure de studio maximum pour chacun d’entre eux, ça a dû largement suffire.
Alors, à quoi sert un tel album ? À rien, sinon à collectionner les timbres (certains sont plus dentelés que d’autres, Arthur H par exemple, Oxmo Puccino à l’évidence…).
Des timbres ? Celui d’Izia est profond, modulé, en pleins et en déliés : parfait ! Dire qu’à ses débuts, la fille de Jacques et sœur d’Arthur le gâchait en hurlant en english… Enfin la preuve qu’on peut en guérir.
On a déjà dit la proximité de Souchon et de Mathieu Boogaerts. Admettons que ce n’était que de la théorie, là nous sommes dans la pratique : c’est pareil ou presque. Sans réel intérêt, sinon le mimétisme. À fuir, les interprétations de Jean-Louis Aubert (Et si en plus y’a personne) et de -M- (Sous les jupes des filles). Quant à Benjamin Biolay… copié-collé sans aucun intérêt, sinon un ou deux trémolos à la Gainsbourg qu’on imagine entre deux verres, entre trois clopes. Même Katerine ne sait faire qu’une interprétation sage, appliquée, sans rien de ce qui est censé faire l’originalité de cet incongru, ce décalé de la chanson. Là, il rentre dans le rang et se déchoit lui-même. Les deux abdiquent leur art, leur personnalité, pour se la couler douce. Quant à Tété, il tête Souchon sans faire le moindre rot.
La vraie surprise – en est-ce une vraiment, la connaissant ? – c’est Jeanne Cherhal, absolument magnifique, magique, qui Rame presque à la manière d’une chanson traditionnelle, un peu genre Malicorne si vous me suivez : la grâce, la fluidité… à croire que cette chanson n’a été écrite que pour elle. C’est le grand moment de ce disque, celui qui excuse votre achat, le justifie.
Collectif, Souchon dans l’air, disque 1, Polydor/Universal 2017. Le site d’Alain Souchon, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Je suis moins sévère que toi. Est ce que le véritable problème ne serait pas justement de s’attaquer au répertoire de Souchon dont la production est IMPECCABLE, les arrangements ont mieux vielli que ceux d’autres chanteurs de sa génération: Goldman ou Cabrel (je parle des albums avant Sarbacane qui sonnent très très variété années 80).
Souchon, Avec son comparse Voulzy, a su pondre des arrangements intemporels. Forcément, quand M Boogaerts s’attaque à ce répertoire, c’est trop trop proche de lui… du moins si on reste dans un son pop. Idem pour Tete.
Résultat, ça fait vachement du bien d’entendre des chansons impeccables chantées par d’autres voix, plus modernes, ou tout simplement… de meilleures voix … Ça a le mérite de faire connaître Souchon à une nouvelle génération, celle de mes enfants par ex, qui trouve parfois, à juste titre, que Souchon ne chante pas tres bien… et c’est vrai que depuis ces émissions télé-crochet, on est habitué à des voix qui ont un son, bien justes, plus léchées, bien calibrées. Et pour le coup, Alain a quand même une voix banale, Nasiarde, à laquelle on s’est habitué grâce à la force des textes et de la mélodie…