Didier Sustrac, qui toujours bosse la bossa
Dans les familles et autres subdivisions de la chanson, il y a incontestable- ment un espace brésilien. Avec ses titulaires, comme Pierre Barouh ou Frédéric Pagès. Bernard Lavilliers aussi, même si, au contraire des deux précédents, il n’est peut-être pas si coutumier que ça de la réalité brésilienne, qu’il n’a que par capillarité. Eux et des visiteurs plus ou moins occasionnels. Là, la liste est longue. De redoutables musiciens comme le fut Sacha Distel ou des artistes dont la rencontre avec le Brésil fut purement fortuite, le temps d’un tube : Fugain pour Fait comme l’oiseau, Nino Ferrer et la fameuse et désormais classique La rue Madureira, Georges Guétary et sa Samba brésilienne, Nicoletta et Fio Maravilla, Véronique Sanson et son Bahia, Pierre Vassiliu avec Qui c’est celui-là ? et La vie ça va…
Et, sur beaucoup de titres, Serge Gainsbourg, France Gall, Juliette Gréco, Georges Moustaki, Brigitte Bardot même… Il y a peu, Pauline Croze pour Bossa nova, un album de reprises hélas bien fade. Eux et tant d’autres qu’il serait peut-être plus facile de lister ceux qui n’ont jamais repris ou adapté un air brésilien, ou s’en être à leur tour inspiré.
Et, bien sûr, Didier Sustrac. Il se passe tant et tant de temps entre deux albums de Sustrac qu’on a largement l’excuse de l’oublier. Pour à chaque fois mieux y revenir, le redécouvrir. À cet effet, sur son nouvel album, il reprend son tube, Tout seul, comme pour se rappeler à nous, renouer l’intelligent fil d’une conversation interrompue.
Sustrac n’a pas besoin de convoquer des villes et des régions brésiliennes (on risque de se casser les dents sur l’orthographe de Fortaleza…) pour bien le faire. Tant qu’il titre son nouvel opus d’un intrigant Ostende bossa et s’en explique : « Je ne suis jamais allé à Ostende. Ostende est un rêve de marins solitaires, de poètes ou de compositeurs. À Ostende, on peut écrire sur le sable, des pages blanches il y en a partout. C’est peut-être ma cinquantaine qui m’a poussé jusque là, sur une plage du bout du monde, dans un autre Zanzibar, avec ma guitare ».
Sustrac est aussi écrivain et c’est en alternant une page et une plage, un chapitre une chanson, qu’il a construit ce disque, ce rêve de ports et donc de voyage avec Ostende pour phare, presque pour Babel. Malgré sa voix douce mais dansante, on doit l’entendre jusqu’aux rives du Brésil où son chant fait toujours résonance… Il reprend d’ailleurs, en duo avec Camilla Costa Rua Madureira et, en trio avec Pierre Barouh et Philippe Baden-Powell, Samba Saravah. Belles références à nouveau. Ostende bossa est un album fait de nostalgies, de mélancolies. Le timbre et l’âge de Sustrac en font naturellement un quasi crooner, à la manière de ce que fut Salvador, celui du délectable Jardin d’hiver. C’est vous dire le plaisir de l’écoute de ce disque qu’on n’a aucun mal à vous recommander : il a naturellement sa place dans votre discothèque, pour peu qu’elle soit exigeante.
Didier Sustrac, Ostende Bossa, PBC music/Warner 2017. Le site de Didier Sustrac, c’est ici.
« La rua Madureira », clip 2017 avec Camila Costa
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