Paroles & Musiques 2017. Vincent Delerm, les ateliers du sentiment
Ça fait longtemps que nous ne nous étions vus, Vincent et moi. Tant que, chacun de son côté, on s’est fait plus que de raison des cheveux blancs. J’ai perdu de mon impétuosité, lui a gagné en humour. Nous étions faits pour nous revoir. Les années ont passé, je n’ai pas renouvelé mon abonnement à Télérama. Hier, avec Vincent, j’en ai comme retrouvé la qualité du papier, l’éclectisme, la curiosité du contenu. L’exigence aussi.
Nous sommes salle Jeanne-d’Arc, entre public de bonne compagnie, qui sait se conduire. Beaucoup connaissent leur Delerm par cœur. En première partie, Nicolas Michaux a laissé une superbe impression, une déjà belle émotion (nous y reviendrons dans un prochain article).
« Nous sommes Marcia Baïla / Les cracheurs de feu de l’enfance / Le trajet qui n’en finit pas / Et la banquette arrière immense… » Le concert sera graphique, typographique, cinématographique. Derrière Delerm, un rideau de tulle sur lequel est projeté d’abord le titre du long métrage qui débute : A présent. Seront projetés plus tard des extraits de films, des photos d’enfance, des listes, des jeux, des réflexions en off, forcément spontanées… Pour décor de derrière le tulle, des panières lourdes de leurs projos. Juché à proximité, Rémy Galichet au piano électrique et, en coulisses, son trombone.
Delerm ne sous-traite pas pour autant tous les commentaires. Il en fait d’abondance. Il anime même des ateliers, là, devant nous, avec nous. Car l’homme est devenu bavard, complice, drôle. Nouvelle thérapie donc, pour le coup de groupe : le public est associé. La thématique est sans ambiguïté : ce seront les sentiments avec, pour Delerm, des aller-retours sur émotions, flash-back : « Et je suis le garçon / Celui qui vous aimait / Sous la neige à Beaumont / Sur la plage en juillet ». L’apprentissage de la drague avec ce qu’il faut d’indifférence pour parfaire la différence. Le petit carnet secret où il note ses tentatives amoureuses, la liste des jeunes filles. Et la clef du cadenas qui fermait ces confidences à présent dévoilées. Alchimie d’impudeur et de retenue… Les chanteurs sont tous les mêmes.
Tiens, une musique sans paroles. Elle sont projetées… Les derniers mots de Leonard Cohen à Marianne, sublime déclaration d’amour : « Le temps où nos corps s’effondrent est venu. Mon amour éternel, nous nous reverrons… »
Delerm s’amuse à souvent changer de focales, de cadrages, d’éclairages, auscultant, disséquant pour nous, avec nous, les sentiments. Avec intelligence. Parce qu’il a fait des tubes et qu’il convient de satisfaire son public, il nous laisse le choix, en plus des Piqûres d’araignées et de la Natation synchronisée (superbe vidéo en surimpression) déjà interprétées, de deux autres titres parmi cinq proposés. À l’applaudimètre, sans grande surprise, ce seront Le monologue shakespearien et Fanny Ardant et moi.
Son récital est un grand moment. Tout, jusqu’au plus petit détail, y est pensé. Même l’impro, qui n’en est plus une. Seul l’accueil et l’adhésion du public ne sont pas calculés, simplement appelés. Ils sont francs, massifs, amoureux. À un tel point, c’est rare. C’est absolument magnifique !
Un des derniers titres avant générique de fin (projeté sur le tulle, comme dans un film), le Je ne veux pas mourir ce soir. On se sait pas encore qu’à Londres, au même moment…
Le site de Vincent Delerm, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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