Cyril Adda : la vie n’est qu’un battement de cil
Depuis le temps que nous croisions Cyril Adda sur NosEnchanteurs, au hasard d’un Astronome, « la tête dans les cieux / à traquer les anges et les dieux », ou d’un festival à Prémilhat, nous n’avions pas eu l’occasion de lui consacrer tout un article. La sortie de son EP, Épreuves, nous permet de combler cette lacune.
Son premier, À l’étroit, mettait l’accent sur des scènes de vie empreintes de fantaisie, même si l’émotion n’en était pas absente (les rêveries de L’astronome, l’amour filial caché pour un père malgré le ridicule de sa Baraque à frites). Le second, qui reprend des chansons expérimentées en concert, s’attache à des sujets plus profonds, au cœur de l’intime.
Les épreuves, ce sont à la fois ces étapes d’une œuvre de vie, telles un premier tirage photographique, mais aussi les aléas de cette vie, qui vous mettent… à l’épreuve.
L’album, enregistré en trio piano guitare, avec le bassiste-contrebassiste, Bertrand Bervard, et le batteur Xavier Roumagnac, est enrichi par les cordes et les cuivres de l’ensemble DécOuvrir.
La couverture pastel de l’album, la finesse de son graphisme et de ses plages de couleur, sont déjà une indication de son contenu.
Sur des mélodies légères et rythmées, calmes ou plus pop, finement composées, qui ont vite fait de s’insinuer en délicatesse dans vos oreilles, la voix jeune, fraîche et douce de Cyril Adda vous interpelle : derrière ces bulles agréables se cachent des interrogations profondes sur l’essence même d’être humain, abordées avec sensibilité. Cette opposition fait toute la profondeur de l’album. La façon dont Cyril sait capter son public est très visible dans les vidéos de concert.
C’est l’urgence du désir d’enfant de la femme, rythmé par le piano et la batterie : « Il dit qu’il ne comprend pas / Il en a déjà trois / L’horloge des saisons / Peut s’arrêter pour de bon / Elle, ne pense qu’à ça » . Le renoncement à la maternité naturelle, le don, les difficultés de l’adoption, le doute.
Ou ces mots qui, sans pathos, vous donnent la chair de poule : «Devant la sortie les plus grands / Lui ordonnent de payer la dîme / Oreste obéit simplement / Oreste se sent différent ».
Tout l’album tient dans ces questionnements sur le sens de la vie, sa vanité et l’absurdité de notre monde comme il ne va pas. Un travail qui n’a pas de sens, l’espoir d’un voyage, de rencontres, de nouveaux horizons (La dem, sa lettre de démission, sur un air très rythmé). La révolte devant la misère, la solitude : des projets humanitaires, vite abandonnés, la lassitude, la facilité (Les actualités).
La précarisation, le mépris pour celui qui fait des petits boulots. Ça commence comme une plaisanterie, avec des sons électros distordus : « De toute façon je ne comptais pas moisir ici ! » Et finit par la promesse d’un drame : « Je ferai pire, n’importe quoi / Une faute lourde, un attentat…/ En attendant, je m’incline et vous dis merci… ».
L’artiste nous confie que chanter lui fait du bien. L’écouter nous est tout autant indispensable.
Cyril Adda, Epreuves, autoproduit 2017. La page facebook de Cyril Adda, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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