Biolay entre deux chaises
Il y a une petite année, le prolifique Benjamin Biolay nous faisait découvrir Palermo Hollywood, disque coloré, classieux et ensoleillé (lire nos impressions ici). Et annonçait qu’un volume 2 était déjà quasi prêt pour une sortie rapprochée. Chose promise, chose due : le temps d’empocher une quatrième Victoire de la musique et revoilà notre stakhanoviste de la chanson !
Le nouvel opus s’intitule Volver. Drôle de titre (pour les non hispanophones, cela signifie « revenir ») pour quelqu’un qui, médiatiquement parlant, n’est jamais parti… Est-ce une manière de nous dire qu’il a quitté les cieux lumineux de l’Argentine, source d’inspiration du disque précédent, pour retourner dans la grisaille parisienne ? Ou doit-on y voir une allusion au célèbre Volver de Carlos Gardel (qui a donné son titre au film éponyme d’Almodovar), chanson mélancolique par excellence ? Les deux hypothèses doivent probablement être justes.
Car on retrouve ces deux aspects dans la collection de chansons (quinze en tout) qui composent le CD. Fini les aspects festifs de la musique latine, place à un son plus rock, occidental, froid et sombre. En accord avec des chansons ne respirant pas la gaieté : le souvenir d’une adolescence honnie (« Je me rappelle de pas grand-chose / Un coin de ciel qui vire au mauve / J’étais déjà bien peu de chose ») va de pair avec ces boissons qu’on absorbe pour oublier (L’alcool, l’absence), pendant que l’orage gronde (« Un nuage oppressant flotte au nord de la ville / C’est ni Dieu ni Satan ni celui de Tchernobyl / Un nuage de sang, de larmes et de bile / Un nuage inquiétant, indélébile ») et que la capitale a la gueule de bois (Ce soir Paris a l’alcool triste). La chanson Arrivederci, en hommage à son ami disparu Hubert Mounier, n’est évidemment pas en reste de tristesse et quand il se lance dans la reprise, l’artiste choisit de nous offrir une énième version d’Avec le temps, tout en piano et violons…
Surnagent heureusement quelques titres plus joyeux : hymne vaillant à l’amour physique –Encore encore, en duo avec Chiara Mastroianni –avec clin d’œil au « Je vais et je viens » de Gainsbourg (Biolay, lui, nous avoue « Je sors et je rentre »), ode aux accents disco à la beauté revigorante d’une ville (Roma Amor), éloge de l’oisiveté (Hypertranquille)…
Comme pour Palermo Hollywood, les orchestrations sont riches et amples, les grands moyens symphoniques lui ayant été concédés. Ce qui n’empêche pas le mariage heureux avec le rap (Malasempre), ni le talk-over auquel le chanteur a recours quand il cesse de se prendre pour un crooner.
Au final, nous restons sur un sentiment mitigé. Le disque s’avère trop long (60 minutes en tout), pas désagréable bien sûr (l’homme a suffisamment de talent et de métier pour ne pas se planter sur toute la ligne), mais manquant de chansons marquantes. Un air de déjà vu-déjà entendu plane sur la platine. L’attente née de la brillante réussite de son ouvrage précédent était-elle trop forte ? Ou l’artiste s’est-il surestimé à vouloir enchaîner si vite ? Le temps fera son œuvre et nous dira quelle place Volver occupera dans la discographie de Benjamin Biolay. Mais dans l’immédiat, le haut du podium reste squatté par La superbe.
Benjamin Biolay, Volver, Rivièra/Barclay 2017. Le site de Benjamin Biolay, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Je pense qu’à un moment donné, après avoir été encensé, systématiquement il faut mettre un bémol la fois suivante.
Doit-on rappeler que toutes ces chansons de Volver ont été écrites au MEME MOMENT que celles de PH, qu’elles auraient pû tout aussi bien se retrouver les unes et les autres indifféremment sur l’un ou l’autre des CD.
Donc votre « Ou l’artiste s’est-il surestimé à vouloir enchaîner si vite ? » ne tient absolument pas la route, il n’a rien enchainé il avait l’intention de sortir le double album en 2016.
Allons, allons………..bien sûr qu’on retiendra des chansons, « Volver » est magnifique, toute aussi belle que « Ballade Française », « Roma » c’est une tuerie, « Happy hour » n’en parlons pas, etc…etc…
Bref, votre argument sur la précipitation à enchainer ne tient pas la route M. De Groeve.
LG.
Je ne crois pas être de ceux qui aiment à critiquer systématiquement ceux qu’ils ont encensés précédemment. Simplement, comme je le souligne, PH était une vraie belle réussite, surprenante par l’humeur joyeuse qui s’en dégageait (peu courante chez Biolay, on peut le dire…). Dès lors était-on en droit d’espérer qu’il poursuive sur sa lancée. Or, par les thèmes abordés, « Volver » est pour moi un disque dans lequel l’artiste retrouve sa zone de confort. Pas mauvais, bien sûr, mais quasi routinier.
Quant à dire que les chansons auraient pu se retrouver indifféremment sur l’un ou l’autre disque, je ne le pense pas. Si la maison de disque l’a empêché de sortir un double CD, c’est probablement parce que le décalage entre les 2 ambiances générales étaient par trop disparates et que les disques se seraient nui l’un à l’autre. Je crois qu’elle a eu entièrement raison de ne pas suivre Biolay sur ce chemin ! Mieux valait mettre en évidence les chansons de PH sans les phagocyter par les chansons de Volver.
Donc oui il y a une certaine précipitation à sortir ce nouveau volume. BB autait tout aussi bien pu les retravailler, ou en éliminer certaines pour les remplacer par d’autres… Ce ne serait pas le premier artiste à jeter au panier (provisoire) des trucs a priori finis, pour ensuite repartir sur de nouvelles bases.
D’ailleurs, je remarque que Volver a été aussi enregistré en partie à l’ICP de Bruxelles, et non PH ! Il faut donc croire que certaines chansons (mais j’avoue ne pas savoir combien et lesquelles) n’étaient pas encore finies au moment de PH…