3 minutes sur mer, en noir, en blanc et en lumière
D’où l’on vient, mais aussi où l’on va. C’est un album plein de nostalgie, revenant sur l’adolescence, le monde tel qu’il est, la difficulté d’être, les questionnements de mi-parcours. Le titre charnière de cet album est L’appétit : celui de vivre, celui surtout d’écrire et de composer : « Mais mon feu s’enlisait, aux abois sans adresse ». Ce peut-être un véritable aveu : « L’appétit est revenu » après les interrogations sur la difficulté d’un métier où le talent ne génère pas forcément des revenus, où l’originalité de la création est plutôt considérée comme un handicap que comme un atout pour passer sur les ondes. Le défi après le passage par The Voice de Guilhem est de garder une visibilité médiatique tout en retrouvant la pureté de son inspiration originelle : « Je réapprends à ramer sans dame de nage ».
Pour cet album, le trio Guilhem Valayé (voix), Samuel Cajal (guitare, synthé) et Johan Guidou (percussions, synthé) s’est adjoint de nombreux musiciens, laissant Guilhem se concentrer sur la voix, sans sa guitare de concert. On notera Matthieu Lesenechal aux claviers et orgue, et Jeff Hallam, également réalisateur, à la basse, fun box, cloches. Des sons cuivrés avec Didier Havet à la trompette ou Antoine Berjeaut au trombone réchauffent Catapulte, ou le Papillon noir de la mélancolie, comme tatoué sur la peau du chanteur. On reconnaît l’inspiration sombre de l’écriture de Guilhem Valayé, quelquefois de Samuel Cajal, emportée par le lyrisme des musiques et des chœurs, qui réussissent la présumée impossible alchimie du rock et du texte.
Nous retrouvons les quatre titres de Catapulte déjà chroniqué sur NosEnchanteurs, avec la participation de Louis-Jean Cormier et Zazie. S’y distingue tout particulièrement Pour partir, où l’agonie est lutte et libération, vie jusqu’au bout, avec ses chœurs à bouche fermée et ses scansions envoûtantes. Placée en fin de l’album comme dans l’EP, elle en signe l’atmosphère.
Reprise aussi des Enfants des autres, de l’album Des espoirs de singe (2014) rebaptisé entre temps Nos enfants des autres, remixée avec une batterie répétitive et efficace. La version précédente, commençant par un long solo de guitare, avec ses fêlures, couplées avec la voix plus fiévreuse de Guilhem, suscitaient pour moi plus d’émotion. Bon point cependant pour le : « Je suis revenu sur la plage de Berck / Y’a plus rien à dire / Y a plus rien qui presse/ Juste moins d’amertume que de tendresse » où la voix très en avant de Guilhem fait encore des miracles, tant elle lui est particulière avec cette sorte de tendresse à vif.
Retour vers les 17 ans des artistes, Fallait que ça passe tourne en slow des familles aux synthés vintage enveloppants. Il faut l’écouter impérativement en qualité CD, la version compressée écrasant toutes les subtilités cachées derrière l’apparente simplicité. C’est alors qu’on appréciera la belle mélancolie des paroles qui s’y réfugient : « Aujourd’hui on s’habille d’alcool / Et de trous de mémoire / Pour regarder les gens / En beuglant sous l’ampoule / Notre peur du noir » portées par la voix caressante, vibrant toute en nuances de Guilhem Valayé.
Cette chanson, magnifiée par les cuivres, n’a que le nom d’Optimiste, la vigueur du refrain chanté avec Yoann Launay, et l’espoir final d’une rédemption par l’amour. Johan Guidou a participé à cette écriture différente, engagée, où chômage, absence de logement, solitude des quartiers, pauvreté et gâchis dessinent un avenir sans espoir : « J’ai peur de crever et d’être bouffé un beau jour / Sur une planche à billets à la curée des vautours. Tout comme j’ai peur que nos votes ne nous sauvent pas ». Elle fait comme un écho à la reprise de l’Alouette en colère de Félix Leclerc toute en révolte de classe, qui se retrouve tellement d’actualité. Comme ce Ciel de fuite co-écrit et composé : « Le ciel n’est pas tout / Car le ciel bon sang / Ne nous regarde plus ».
3 minutes sur mer, L’endroit d’où l’on vient, Hyp/Pias, 2017. Le site de 3 minutes sur mer, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là. Ce que nous avons dit de Guilhem Valayé. Guilhem Valayé est actuellement en tournée « à cinq » avec Chloé Lacan, Imbert Imbert, Nicolas Jules et Valérian Renault, et sera en solo le 1er juin 2017 à Rézé (44) au Guet à Pinte, puis à Paris le 30 juin au Hideout.
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