François Hollande, un quinquennat bien pauvre en chansons
Si son prédécesseur a été « célébré » par la chanson comme jamais aucun président ne l’avait été à ce jour, François Hollande, dont le mandat vient d’arriver à son terme, fait pâle figure dans notre répertoire chanson. Le « capitaine de pédalo » n’a jamais suscité le moindre enthousiasme.
Bien sûr, les chansonniers s’en sont donné à cœur joie tout un quinquennat et, vraisemblablement, tirent en ce moment leurs dernières cartouches sur ce président casqué et motorisé qui s’en allait nuitamment retrouver sa Julie jolie à travers les rues forcément mal famées de la Capitale.
Mais, eux, ce sont des chansonniers, pas des chanteurs.
A plus forte raison depuis quelques années où elle vit plutôt à la marge des forces politiques partisanes, la chanson délaisse nos élus. Il n’est plus vendeur de s’exhiber en leur compagnie. Pour qu’elle daigne se les mettre en voix, il faut qu’il y ait matière : il faut qu’il y ait transgression. Comme avec Sarkozy, de son arrivée place Beauvau à son départ dix ans plus tard de l’Elysée. Comme précédemment avec Giscard d’Estaing, celui des omelettes brouillées et des chasses en Centrafrique. Encore avait-il fallu à cette époque la chanson éléphantesque de Gilbert Laffaille ainsi que le fameux duo Font & Val, des chansonniers œuvrant dans le circuit de la chanson, pour faire de la chanson politique un jouissif jeu de chamboule-tout.
François Hollande, lui, n’a rien transgressé : il a simplement trahi son engagement de départ. Et il y a bien longtemps que la chanson ne s’embarrasse plus de ce fait, quand bien même il y aurait des cocus par millions. Si la chanson parfois parle de traîtrise, c’est uniquement au niveau sentimental. La ballade pour un traître de Maxime Le Forestier visait Judas, non parce que celui-ci avait livré Jésus mais parce qu’il « ne jurait que par les filles tendres ».
Pauvre, pauvre François Hollande, dont la besace chanson est quasi vide (Sarko en a, lui, quelques centaines, sur sa vie et son œuvre). Tant il est facile de toutes les lister ici.
Comme on dévoilerait le concept d’une œuvre d’art contemporain pour enfin la comprendre, il faut écouter les explications de Carla Bruni pour apprécier la saveur du Pingouin, une chanson soit-disant sur Hollande : « C’est mal élevé les pingouins faut que je lui donne des cours de maintien / Eh le pingouin ! Si un jour tu recroises mon chemin / Je t’apprendrai le pingouin, je t’apprendrai à faire le baisemain / Tu ravaleras le pingouin oui tu ravaleras ton dédain / Tu m’fais pas peur le pingouin ». L’idée de vengeance assura le succès de cette médiocre chanson qui n’en méritait pas tant.
Quatre seules chansons* nous parlent explicitement de François Hollande dont deux tombent du ciel. Le pigeon du 11 janvier de Manu Lods raconte le défilé de janvier 2015, au lendemain du massacre de Charlie-Hebdo et de l’hyper Casher : quand le président vint rejoindre les rescapés de Charlie et qu’un pigeon fit sa fiente sur le revers de sa veste. Et François sous la pluie de Mickey 3d, qui raconte les discours pluvieux du président, et plus encore. La troisième, de Katerine, A l’Elysée, nous narre un pique-nique entre François et sa douce : « Il lui a dit Julie chérie vient pique-niquer / Vin d’Italie et d’un poulet fermier / Dans les jardins de l’Elysée ». C’est tout. Seule celle de Tryo nous parle précisément de politique : « Président on s’ennuie / Un peu trop normal / Un peu trop endormi / Beaucoup trop libéral / Nous on veut changer la vie », avertissement on ne peut plus clair à Hollande : « Faut faire rêver la foule / Pour se faire réélire ». Il n’a pas fait rêver les foules.
Hollande est un des présidents les moins chantés de la Ve République, guère plus que ne le furent De Gaulle et Pompidou. Sauf qu’à cette époque-là, il était réputé inconvenant, scandaleux même, d’oser une chanson sur le président en exercice. François Hollande n’aura même pas eu cette excuse.
A vouloir lui aussi transgresser, tout chambouler, ruiner les vieux partis politiques, casser et la droite et la gauche en même temps, transgresser l’ordre des choses et les codes de la Ve République, il se peut que, à l’avenir, Emmanuel Macron attire à lui la chanson. Le temps d’écrire et de composer, de produire des disques et de les distribuer, il nous faudra attendre au moins dix-huit mois pour écouter, ou non, les premiers titres. Pas forcément de gloire.
* d’autres et très rares chansons existent, d’illustres inconnus, qui plus est sans grand intérêt, notamment sur les « sans-dents », expression qu’aurait employé François Hollande à l’adresse des pauvres.
Ce que NosEnchanteurs a déjà dit des chansons sur Sarkozy, c’est là.
Aurais-tu oublié l’escapade en scooter du séducteur ?
Heureusement Serge Llado est là !
https://youtu.be/_Z8T0z4JWNs
Et sur le nouveau, Emmanuel Macron ?
Il y a « Le temps ne fait rien aux affaires » …
https://youtu.be/HJPnOs2wj20
Ajoutons y cependant un spectacle entier, Le « changement c’est doucement » dans la veine des chansonniers par le groupe Les goguettes, qui utilise le principe des timbres (ou goguettes) pour revitaliser d’anciennes chansons en en réécrivant les paroles,
http://www.deezer.com/album/15778468
et tout particulièrement « Tout doucement » https://www.youtube.com/watch?v=4sVkuPXTKdM
« Je ne suis pas un surhomme » et « Pour que tu m’élises encore »
Outre l’excellent livre sur Sarko, recommandé plus haut, n’oubliez pas aussi La Chanson de Circonstance : Essai historique sur les chansons pamphlétaire, satiriques et autres parodies :
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=46331