Marie Zoo : mélodies en sous-sol
De la gamme, elle ne semble avoir retenu que le sol. Plus précisément le sous-sol. De Paris. La capitale est la première ville souterraine de France. Normal. Le métro, les égouts… les catacombes, piles d’ossements provenant des cimetières du XVIIIe. Ça et bien plus encore : ces 150 kilomètres de carrières souterraines qui s’étendent sous plusieurs arrondissements. Un labyrinthe interdit d’accès, où se croisent moult individus, peuple souterrain : les cataphiles. Qui déambulent, se réunissent, y font parfois bonne chère et ce que bon leur semble. Les mystères de Paris revisités façon Compagnons de Baal… Ça a l’aura de l’aventure, presque du complot, la transgression de l’interdit. Est-ce cela qui a attiré la chanteuse ?
Elle fait grouiller des vers sous terre, s’imprègne de l’ambiance, hume ce qui n’est pas pour autant une champignonnière, culture extensive d’une ambiance assez indescriptible..
Elle, c’est Mary Zoo, de son vraie nom Christine Zufferey, une Helvète devenue Parisienne. Qui longtemps fut Étasunienne. Qui, pour tuer le temps avec des amies, créa un groupe de reprises de chansons de Piaf. Ce fut Ziaf, le Z de Zufferey associé au corps de la môme moineau. Elle reprit un jour son vrai nom pour faire vivre un répertoire bien plus personnel. Puis celui de Mary Zoo.
Là, elle sort un livre-disque dont les chansons et leur musique sont toutes nées ici, dans le sous-sol parisien, à vingt mètres sous terre. Le livre est tant le recueil de ces titres que la narration de l’aventure, comme un journal de bord, de bas-bord. Chaque chanson est une étape de cette déambulation : la crypte, salle du miroir, abri Sainte-Anne, salle des lanternes, salle du chandelier, île des morts, escalier de la licorne, fontaine des chartreux, salle des parfums…
Double culture ou plus : des chansons en français, d’autres en anglais, ce qui peut faire déambulation et compréhension interrompues..
Le livre-livret n’est malheureusement pas agréable à feuilleter : la typographie y est envahissante, trop gros corps, vilains caractères. Les dessins, pourtant d’une même main (Bahadir Isler) empruntent à des styles différents et c’est dommage, à Bilal même mais en moins bien ; les photos (Gaspar Duval) sont intéressantes, reportage qu’elles sont de ces galeries isolées du bruit et de la fureur d’en haut (les légendes, là, sont bilingues).
Ces réserves exprimées n’entachent nullement le travail de la chanteuse, auteure, compositeure et co-productrice. Mary Zoo habite chaque « station » explorée de ses vers en rapport avec le lieu : « Arrêtez de m’étouffer / Ma liberté j’vais la garder / J’veux respirer, je veux crier / Sainte-Anne, Sainte-Anne / Qu’est-ce qu’ils vont faire de moi ? » La belle a le bon goût, du côté des catacombes, d’appeler à elle Camille Saint-Saëns. Qui osera dire que ça fait macabre ? Mary s’imprègne des pierres humides, de ces murs a priori tous pareils, chargés d’histoires différentes, au-dessus comme en-dessous. Les musiques planent, les vers sont parfois en suspension, la fascination se mêle à la crainte, « Y’a des rats qui nous bouffent les boyaux / Des cafards qui nous rongent le cerveau ». Passe-murailles, on traverse le temps, s’infiltre dans les fissures, creuse un chemin… La chanson est ici une tête chercheuse : on vous recommande l’expérience.
Mary Zoo, Tales from the Underground, livre-cd autoproduit 2016. Le site de Christine Zufferey, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là. En concert au Bataclan à Paris le 28 juin 2017 (en première partie de Rodrigo y Gabriela) et aux Docks à Lausanne le 3 juillet.
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